Vers une évolution du bilan avec l'ABCDE

Santé - Le 17 mai 2018

[Magazine] Il y a plus de 15 ans maintenant, quelques professionnels audacieux issus des mondes du secours et du soin, des sapeurs-pompiers (SDIS 68 et UDSP 68) et de l’hôpital (SAMU 68) s’associaient pour introduire dans le département du Haut-Rhin une formation novatrice nord-américaine : le PHTLS, Pre-Hospital Trauma Life Support, s’intéressant à la prise en charge du traumatisé en préhospitalier.

Vers une évolution du bilan avec l'ABCDE
Le bilan, étape décisive dans la prise en charge d'une victime, est effectué au Sdis 68 sous la forme ABCDE.
Vers une évolution du bilan avec l'ABCDE
L'aspect systématique et dynamique du bilan ABCDE est synonyme de pragmatisme.

Cette formation certificative, sanctionnée par un diplôme internationalement reconnu, est fondée sur les grands principes suivants :

  • repérer, prioriser et traiter, après bilan efficace, les lésions ou pathologies présentées par les victimes ;
  • transporter les victimes vers la structure hospitalière adaptée, en prenant garde de ne pas perdre inutilement du temps sur le terrain ;
  • ces enseignements reposent sur les données actualisées de la science ;
  • les enseignements sont théoriques et pratiques, dispensés à des intervenants de différentes cultures, ayant néanmoins vocation à travailler ensemble enpréhospitalier.Si le socle de connaissances de secouriste est comparable à la méthode française, c’est l’organisation du bilan, dans sa composante médicale ou traumatique, qui fait la grande différence dans la méthode internationale.

En effet, les classiques bilans circonstanciels, bilans d’urgence vitale, bilans complémentaires et surveillance des PSE 1 et 2 sont remplacés par le bilan circonstanciel, le bilan primaire (ABCDE), le bilan secondaire et la surveillance.

A pour Airway, B pour Breath…

De fait, dans l’approche anglo-saxonne, si le bilan circonstanciel diffère peu de l’approche française (que s’est-il passé ? existe-t-il un danger ? les secours sont-ils suffisants pour le moment ? les informations initiales en ma possession sont-elles correctes ?), c’est l’organisation,même du bilan de la victime (bilan primaire puis bilan secondaire)qui diffère le plus.

Ainsi, le bilan primaire a pour but de rechercher et de traiter une détresse vitale qui menace immédiatement la vie de la victime.

Après la mise en œuvre de mesures de sauvegarde (par exemple traitement d’une obstruction totale des voies aériennes ou arrêt d’une hémorragie massive), sera réalisé :

  • le bilan des voies aériennes (A = Airway),
  • le bilan de la ventilation (B = Breath),
  • le bilan de l’état circulatoire (C = Circulation),
  • le bilan de l’état neurologique (D = Disability),
  • le bilan de l’exposition de la victime (E = Exposure).

Ce bilan primaire permet de classer la victime dans un état critique (détresse vitale nécessitant une prise en charge rapide, agressive et un transport dans le délai et le conditionnement le plus adapté vers une structure hospitalière) ou non critique.

Le bilan secondaire suit le bilan primaire, sans retarder la prise en charge d’une victime critique et la transmission du bilan au centre 15. Il comprend un interrogatoire plus précis, la mesure des constantes vitales et l’examen clinique de la tête aux pieds.

L'adaptation a pris plusieurs années

L’intégration de ce bilan ABCDE dans nos pratiques médico-secouristes n’a pas été sans difficultés, mais aucune, loin s’en faut, n’a été insurmontable.

Sur le fond, pendant plusieurs années, dans un Sdis de plus de 6.000 sapeurs-pompiers, il a fallu tolérer que des SP non formés « cohabitent » avec des SP formés, ce qui a impliqué parfois quelques frictions sur le terrain. Frictions constatées également entre chaînemédico-secouriste et chaîne de commandement, ces derniers acteurs n’étant pas encore acculturés à un nouveau rythme d’intervention.

Cela a particulièrement été constaté lors des désincarcérations, où des extractions rapides de victimes critiques étaient proposées à un COS qui souhaitait dépavilloner le véhicule. Ces incompréhensions ont été vite gommées par la diffusion des formations à plus grande échelle. De fait, après plusieurs années de pratique dans le Haut-Rhin, nous relevons des avantages notables de la méthode, qui ne nous feraient pas revenir en arrière.


Ainsi, sur le plan local, nous avons constaté :

  • une amélioration de la qualité du bilan clinique, du fait de son côté systématique et dynamique, comme une marche en avant, sur la base de lettres maîtrisées dès le plus jeune âge : ABCDE ! Ce côté systématique et dynamique peut également être une aide appréciable pour le médecin confronté à une situation grave.
  • une homogénéisation des prises en charge, par le simple fait que le langage est commun entre les médecins préhospitaliers, les ISP et les secouristes. Ce langage commun se traduit concrètement au travers de notre fiche bilan, de format unique pour les trois échelons secouristes, paramédicaux et médicaux.
  • en zone frontalière, une interaction plus aisée avec nos collègues allemands et suisses, qui utilisent cette forme de bilan. Ainsi, nous ne sommes pas surpris des bilans réalisés par nos voisins. D’ailleurs, cette méthodologie de bilan, reconnue dans le monde entier, permettrait à nos secouristes de s’intégrer sans difficulté dans une chaîne de secours internationale.
  • pendant la longue phase de déploiement de la méthode, une forme d’émulation entre les secouristes formés et non formés, conduisant in fine à une amélioration globale des pratiques…

À ce moment-là, on parlait beaucoup, à tous les niveaux hiérarchiques, de secours d’urgence à personnes !

Pragmatisme, rigueur et consensus

Sur le plan national, nous aurions un avantage à adopter cette méthode, de façon à ne plus nous isoler sur la scène internationale. En effet, toutes les conférences de consensus relatives au secours préhospitalier, dans le domaine de la prise en charge des urgences médicales ou traumatologiques, pour l’adulte comme pour l’enfant, mentionnent ce type de bilan le cas échéant. L’adaptation des conférences de consensus aux pratiques françaises n’en serait que plus simple. C’est ce travail qui vous est maintenant proposé, sur la base de l’excellent support de la BSPP (le fameux 220.2) et des éditions sapeurs-pompiers de France, en relation avec notre fédération nationale et les services départementaux et métropolitains qui se sont déjà approprié ce bilan ABCDE.

Encore une fois, tout cela n’aurait pas été possible sans ceux (SP de la filière incendie et SSSM, personnels hospitaliers) qui ont introduit cette méthode en France, au travers du PHTLS.

Enfin, la mise en œuvre de ce bilan de type anglo-saxon ne remet pas en cause le modèle français de prise en charge des urgences préhospitalières, avec sa graduation secouriste, paramédical et médical, ainsi que la régulation par le Samu.  Avec l’objectif de l’amélioration de nos pratiques, il nous appartient de nous approprier une méthode internationale qui a largement fait ses preuves. Par son pragmatisme (traiter en premier ce qui tue en premier), sa rigueur (ABCDE) et son consensus, elle nous permettra d’ancrer les sapeurs-pompiers, et plus largement l’ensemble de la communauté du secours et du soin, dans un secours d’urgence aux personnes de grande qualité.

 

Texte Dr Guillaume Bois / Sdis 68
Photo Stéphane Gautier / Pascal Rossignol

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