Face au terrorisme, les sapeurs-pompiers affinent leurs techniques d’intervention

Prévention - Le 13 octobre 2017

[MAGAZINE] Le carrefour consacré aux nouvelles menaces, le 12 octobre, lors du Congrès national d’Ajaccio, a permis aux sapeurs-pompiers de partager leur doctrine d’intervention face aux attentats, en collaboration avec les services spécialisés de police et de gendarmerie.

Congrès 2017

Dans la liste des nouvelles menaces auxquelles sont confrontés les sapeurs-pompiers, le risque attentat reste un sujet majeur. «La forme se modifie depuis un an et demi, passant d'une volonté de tuerie de masse à une stratégie de harcèlement», résume le colonel de gendarmerie Didier Rahmani, de la DGSCGC. «Cette stratégie des “1000 entailles“, théorisée par Daesh, bénéficie quasiment du même traitement médiatique par les médias d'information en continu, et ces “frappes à bas coût “, faciles à mettre en œuvre, permettent un phénomène de répétition. L'autre particularité est que les femmes sont associées à cette stratégie terroriste».

Pour autant, les risques de tuerie de masse ne sont ni écartés, ni limités à la capitale. «Nous aboutissons à une nouvelle doctrine, où les sapeurs-pompiers sont associés aux forces de l'ordre, même si chacun reste dans son propre domaine.» Et pour fixer la menace, l'intervention n'est pas cantonnée au RAID et au GIGN, mais nécessite l'action de la BAC ou du PSIG, ainsi que des unités locales.

«L'amélioration de la réponse des services de secours passe par trois critères. Il faut tout d'abord que chaque service soit conscient de ses propres compétences. Ensuite, qu'il y ait une connaissance commune de la situation, qui nécessite la présence d'un officier de liaison sapeur-pompier auprès des forces de l'ordre, et dont la mission sera d'assurer l'interface entre les services. Cette présence permet de surcroit d'éviter la multiplication des communications radio» Enfin, le colonel Rahmani rappelle la nécessité de réaliser des entraînements qui collent au plus près de la réalité. Et qui tiennent compte des contraintes liées aux délais d'engagement des différentes unités, aux interactions entre les forces concourantes ou avec les centres hospitaliers. «Le but est de travailler en conditions réflexes lors des interventions.» L'officier insiste enfin sur la capacité d'adaptation, indispensable selon lui pour mener ce type d'opération. «Ces situations évoluent très rapidement, et nécessitent d'apprendre à réagir de manière instantanée, sans s'enfermer dans un carcan.»

Les groupes d'extraction

De son côté, le patron du RAID, le contrôleur général Jean-Baptiste Dulion, insiste sur la nécessaire complémentarité avec les sapeurs-pompiers. «Les équipes médicales du RAID ont pour mission première d'assurer la sécurité des membres de l'équipe, et le secours des victimes des attentats reste du ressort des sapeurs-pompiers.» Matthieu Langlois, médecin-chef du RAID, précise les missions de ces équipes médicales, lorsqu'elles se tournent vers les «civils» blessés: «Nous organisons l'évacuation de ces victimes, en réalisant un triage tactique en zone rouge. L'une des difficultés réside dans le côté “mouvant “ de cette zone, dont les limites évoluent avec la situation. » Le médecin précise la notion de « golden hour ». «Cela ne veut pas dire que l'on dispose d'une heure sur place, mais bien que cette première heure est capitale. Si la victime peut être évacuée en 3 minutes vers un trauma center, c'est parfait ! L'objectif est donc de fluidifier au maximum toutes les étapes qui séparent la victime du chirurgien.»

La pose de garrot est particulièrement bien adaptée à ces situations, grâce à sa rapidité de mise en place. Et plus l'indice de gravité de la victime est important, moins il faudra qu'elle passe de temps sur les lieux, au profit d'une évacuation rapide. «Il faut sensibiliser les médecins afin qu'ils acceptent, dans certaines situations, d'évacuer la victime sans réaliser certains gestes, mais dans le but ultime de la conduire rapidement sur la table d'opération.»

La balistique arrive chez les sapeurs-pompiers

Avec la création de colonnes d'extraction dans les rangs des sapeurs-pompiers, se pose la question de la protection face au risque balistique. «Tout d'abord, on doit se demander si l'on est protégé par l'environnement», poursuit le Dr Langlois. «Les munitions les plus puissantes sont bien entendu les plus difficiles à arrêter. On peut retenir que dans l'exemple d'un VSAV, seul le bloc moteur peut arrêter les projectiles.» La solution est alors de se tenir en retrait, de mettre en place et de respecter le zonage.

Vient la question des protections balistiques. «De nombreuses interrogations ont été évoquées à ce sujet. Il faut retenir que si la protection est adaptée à la munition, elle protège très bien.» Mais il ne s'agit pas d'un bouclier intégral, et elle se concentre sur les zones à très forte mortalité, à savoir la tête, le thorax et le haut de l'abdomen.

«La notion de plaie par balle est toujours très complexe à aborder en médecine. Elle dépend du calibre, de la nature de la munition et d'une multitude d'autres facteurs. Par exemple, la munition est bien souvent déviée par les obstacles, tels que les os. Et on se retrouve avec des traumatismes bien plus complexes qu'une simple plaie traversante.» Le médecin du RAID conclut en quatre points : «1: La balistique est une science complexe. 2: On soigne un blessé et pas une munition. 3: Il ne faut pas perdre de temps à comprendre. 4: Il faut avoir peur des balles.»

Thomas Bex


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