Discours de clôture de l'assemblée générale de la FNSPF

Institutionnel - Le 17 octobre 2021

Discours de clôture prononcés par Emmanuel Macron, président de la République, et Grégory Allione, président de la FNSPF

Discours du président de la République, Emmanuel Macron

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Discours du président de la FNSPF, Grégory Allione

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Discours du président de la FNSPF Grégory Allione

Monsieur le Président de la République,

Mesdames et Messieurs les Ministres, 

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,  

Madame la Présidente du Conseil départemental (Merci),

Monsieur le Maire de Marseille,

Mesdames et Messieurs les élus,

Monsieur le président de l’Union départementale,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis sapeurs-pompiers,


C’est, pour les 252 000 sapeurs-pompiers de France, un grand honneur d’accueillir le chef de l’Etat en clôture de leur 127ème congrès national.

Merci du fond du cœur, Monsieur le Président, de votre présence parmi nous ce matin.

Prévue il y a un an, cette visite a en effet dû, fait inédit hors situations de guerre, être reportée en raison de la pandémie de Covid-19.

Merci également à nos collègues de Meurthe-et-Moselle et de Haute-Garonne d’avoir accepté de décaler d’un an l’organisation de ce congrès en 2022 à Nancy et en 2023 à Toulouse.

Je suis heureux et fier, comme chef du corps départemental des sapeurs-pompiers des Bouches-du-Rhône, de voir Marseille devenue, depuis 3 jours, la plus grande caserne de France, grâce à la mobilisation solidaire des sapeurs et des marins- pompiers.

Merci aux 1200 animateurs bénévoles pour leur remarquable engagement, auquel nous devons l’organisation de ce congrès accompagnés, comme toujours par notre conseil départemental.

***

I.    Loi MATRAS

Merci à tous nos amicales, présidents d’union, constituant notre réseau fédéral qui, depuis bientôt 140 ans, représente et défend les intérêts de tous les sapeurs-pompiers de France, sans distinction. Tous n’ont ménagé ni leur temps ni leur énergie pour aller à la rencontre des parlementaires, les convaincre de la légitimité de leurs aspirations et faire, au final, de ce texte une loi importante pour les sapeurs-pompiers, la sécurité civile et la protection de nos concitoyens.

Ce formidable réseau a démontré toute sa force lors de la préparation puis de l’examen au Parlement de la loi MATRAS.

Des travaux de la Mission Volontariat au vote de la commission mixte paritaire de la semaine dernière, la route a été longue et, parfois, difficile.

Au nom de tous, merci au ministre de l’Intérieur, à la ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, aux rapporteurs (le Député MATRAS et les Sénateurs DUMONT, HERVE et KANNER), aux présidents de groupes, aux membres du groupe d’études de l’Assemblée nationale sur les sapeurs-pompiers et à leur co-président Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, pour leur qualité d’écoute et leur engagement. Mention spéciale également pour Christophe CASTANER qui a su dans des moments importants être le facilitateur avec de nombreuses autres qui sont souvent dans l’ombre, et qui peuvent être ce jour dans la salle.

Enrichi au fil des débats, ce texte, adopté (fait rare) à l’unanimité, fait honneur au Parlement et à la démocratie, et comporte des avancées majeures.
En premier lieu, il modernise le cadre de nos missions.

L’accès à la formation de techniciens de secours d’urgence.

Avec 85% de nos interventions dédiées au secours d’urgence aux personnes, cette loi nous définit enfin pour ce que nous sommes : non pas des professionnels de santé, mais des soignants.
Nous qui, au fil des évolutions de la carte hospitalière et de la démographie médicale, sommes devenus des soldats de la santé, des soldats de la vie dans les territoires.
Notre technicité est désormais reconnue, à travers l’autorisation à réaliser des 12 gestes de soins d’urgence sous l’autorité de nos médecins chefs.

Autre avancée majeure : les carences ambulancières

Nous sommes des professionnels de l’urgence préhospitalière. 
Ni des supplétifs du système de santé, ni des transporteurs sanitaires, et encore moins des taxis.
Il était, dès lors, profondément injuste que nos collègues des SAMU disposent d’un droit de tirage illimité sur nos moyens humains et nos matériels, au prix d’un transfert de charge financier sans cesse croissant vers les collectivités territoriales.

Avec le président de la CNSIS Olivier RICHEFOU au nom de l’Assemblée des Départements de France (ADF), nous avons alerté sans relâche sur la double incidence de l’inflation de ces carences.

Conséquence directe : la dégradation de notre potentiel opérationnel journalier et l’allongement des départs pour de réelles urgences.
Effet de bord notable : la perte de sens du métier pour les sapeurs-pompiers professionnels, et l’essoufflement de leurs collègues volontaires.

Sur ce point également, la loi MATRAS apporte de premières réponses, à travers la définition de ces carences, la reconnaissance de la possibilité pour les sapeurs-pompiers de temporiser l’engagement de leurs moyens pour ne pas les détourner de l’urgence, et la procédure de conciliation paritaire mise en place pour régler les différends entre les SDIS et les SAMU, même si nous eussions préféré une faculté de requalification a posteriori.

Le texte initial de la proposition de loi reflétait votre ambition sur un sujet majeur.
La mise en place du 112 comme numéro unique d’appel d’urgence.
Vous vous étiez prononcé pour cette réforme lors de votre discours du 16 octobre 1997, afin de permettre à notre pays de rejoindre les 15 Etats-membres de l’Union européenne ayant adopté le 112 soit comme numéro unique ou commun pour les secours d’urgence. 

Substituer au 112 une expérimentation zonale de 2 ans soulève en effet bien des questions.


Cette expérimentation interroge aussi dans son principe même.
Expérimenter, c’est ce que font, depuis plus de 20 ans, les 21 départements qui ont mis en place, avec succès, des plateformes communes d’appels d’urgence. 
Lesquelles ont démontré, avant et pendant la crise du covid, leur efficacité pour garantir un décroché rapide et en toutes circonstances de tous les appels.

C’est, en outre, faire fi des enseignements de cette crise, où aucun des pays disposant d’une organisation distinguant numéros d’appels urgents et non-urgents (la Suède, l’Autriche…) n’a été confronté à l’asphyxie des Centres-15 observée en France lors de la première vague.

C’est, ensuite, retarder à nouveau la décision politique sur l’unification des appels d’urgence et conserver notre triste record mondial de 13 numéros d’urgence.
La modernisation de l’action publique attendra !  
Pour peu que les échéances démocratiques prévues l’an prochain dans notre pays ne conduisent, purement et simplement, à l’enterrement de cette réforme ! 

Cette expérimentation ne doit donc pas être dilatoire, mais déboucher dans 2 ans sur la création du 112 comme numéro unique d’appel d’urgence, couplé au numéro 116 117, numéro d’assistance européen, pour les appels non-urgents relevant du service d’accès aux soins.


En second lieu, cette loi, dans le prolongement du plan d’action du ministre de l’Intérieur d’août 2020, renforce la protection des sapeurs-pompiers contre les agressions en intervention, avec le déploiement des caméras piétons dans l’ensemble des SDIS, l’extension à leurs personnels du bénéfice de l’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique, et la généralisation des plateformes communes interservices.

Cet effort doit être constant et poursuivi sans relâche, comme récemment lors du vote par l’Assemblé nationale du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.

Nous demandions que les sapeurs-pompiers bénéficient, comme l’ensemble des forces de sécurité intérieure, de l’aggravation des sanctions des violences commises à leur encontre.
C’est chose faite, et nous nous en félicitons.


En troisième lieu, la loi MATRAS soutient et récompense l’engagement des 199 000 sapeurs-pompiers volontaires.

La revalorisation de l’indemnité de feu, intervenue à l’été 2020, apportait une légitime contrepartie à l’engagement des 41 000 sapeurs-pompiers professionnels, sans toutefois supprimer - et il faudra y revenir par souci d’équité avec les employeurs - la surcotisation salariale liée à cette prime. 

La loi MATRAS, et ce n’est que justice, en fait de même pour leurs collègues volontaires.

Elle comporte un faisceau de mesures :
- zéro reste à charge en cas de maladie ou d’accident en service,
- priorité d’accès au logement social,
- suppression de l’incompatibilité avec les fonctions de maires et d’adjoints au maire,
- abaissement à 15 ans de l’ancienneté requise pour bénéficier de la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance – la NPFR…)

Mesures qui, prises globalement, favoriseront l’exercice de leur engagement citoyen.

Créé à votre initiative, le statut de pupille de la République permettra la prise en charge par l’Etat, jusqu’à leurs 21 ans, des enfants de ceux qui, sapeurs-pompiers, personnels de la Sécurité civile et bénévoles des associations agrées, mais aussi soignants, policiers, douaniers ou surveillants de prison, ont porté la solidarité jusqu’au sacrifice.
Cette prise en charge complétera utilement l’appui moral et matériel apporté par aux 1486 enfants pris en charge par notre Œuvre des pupilles.


Bien sûr, du travail reste à accomplir, et je continuerai, mes chers collègues, à me battre avec l’équipe fédérale pour la reconnaissance de votre engagement.

Tout d’abord, dès la déclinaison de la loi, où cinq mesures structurantes sont attendues :

1-La revalorisation du montant de la NFPR. 
Comme Fabien MATRAS, nous soutenons le doublement de son montant.
488 Euros par an après 20 ans de service, moins de 1500 Euros après 30 ans de service : cette reconnaissance n’est pas à la hauteur des sacrifices consentis.
Nous comptons, à ce sujet, sur l’appui de l’Etat et des départements de France.

2-Une véritable campagne de communication, pour ouvrir et diversifier le recrutement de sapeur-pompiers volontaires : mettons en synergie l’Etat, les SDIS, les collectivités locales, les entreprises et leurs représentants nationaux.
La réponse positive de nombreuses entreprises du CAC 40 à la sollicitation du ministre de l’Intérieur pour conclure des conventions de disponibilité démontre la capacité de mobilisation. 
La FNSPF y travaille et apportera sa contribution grâce au soutien du groupe Havas et de Media School.
Merci à Jacques SEGUELA et Franck PAPAZIAN de leur mobilisation à nos côtés et de leur présence ce matin parmi nous. 
Donnons-nous rendez-vous l’an prochain au congrès de Nancy ! 
3-Les mesures d’attractivité pour les employeurs, principale insuffisance de la loi MATRAS, et qui devront très probablement être renforcées pour aller plus loin qu’un simple label et que le dispositif du mécénat. 

4-L’inscription de nos formations au répertoire national des certifications professionnelles, promise par l’Etat depuis 15 ans mais non encore effective.

5-La mise en œuvre tant attendue (2017) du compte d’engagement citoyen des sapeurs-pompiers volontaires.

D’autres mesures, symboliques mais néanmoins utiles, devront être prises.

Pour soutenir l’engagement de nos jeunes sapeurs-pompiers, dont la participation aux cérémonies du dernier 14-Juillet a fait notre fierté, et de leurs animateurs. 
A quand, en particulier, une dispense par équivalence des deuxième et troisième phases du service national universel pour, respectivement, les lauréats du brevet national de jeune sapeur-pompier et les jeunes qui s’engagent comme sapeur-pompier volontaire ?

Ou bien encore, pour promouvoir plus de sapeurs-pompiers volontaires dans le contingent spécifique créé, grâce à votre arbitrage, dans les ordres nationaux.


Les réformes annoncées d’ici la fin du quinquennat doivent, elles aussi, permettre de conforter la loi MATRAS.

Je pense, en particulier à la réforme des retraites.

Si celle-ci permet, enfin, l’unification des différents régimes, nous demandons que la solidarité nationale s’exprime à travers l’octroi d’une bonification de retraite pour les sapeurs-pompiers volontaires.

Cette réforme devra également permettre, pour l’ensemble des sapeurs-pompiers professionnels, le maintien du métier en catégorie active : quel que soit le poste occupé, toutes les fonctions sont en effet dangereuses, comme le reconnaît la loi depuis 2004.

Mais aussi remédier à l’actuelle perte de portabilité des droits, qui freine ou frappe d’injustice les parcours de mobilité professionnelle.

Monsieur le Président, pour la mise en œuvre de la Loi MATRAS, nous souhaitons la mise en place d’une commission parlementaire pour l’accompagnement et le suivi de la mise en œuvre réglementaire. Nous devons aller vite, et répondre à la volonté parlementaire, sans être contrariés par le jeu sournois quelques mandarins qui pourraient encore tout mettre vouloir faire cesser…

*
 


II.    Ambition de protection civile

Monsieur le Président de la République, la force des secours ne s’exprime pas seulement toutes les 6 secondes, lors de nos presque 5 millions d’interventions quotidiennes.

Les sapeurs-pompiers et les SDIS ont démontrées depuis le début de la pandémie de Covid-19. 

Grâce à la formidable capacité d’anticipation de nos services de santé et secours médical (SSSM), nous avons également pu : 
-    Protéger la santé des sapeurs-pompiers ; 
-    Renforcer les centres-15, saturés par l’explosion du nombre d’appels ; 
-    Créer des coordinations médicales et paramédicales au sein de nos centres opérationnels. 
 
Le chantier de consolidation du SSSM engagé par la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises sous l’impulsion du préfet THIRION, est indispensable pour prolonger cette avancée, et doit être une priorité. 
A l’instar de ce qui a été fait lors du Ségur de la santé, il faut, impérativement, renforcer l’attractivité des métiers au niveau du recrutement pour les professionnels de santé, revaloriser le déroulement des carrières et améliorer les passerelles avec le monde de la Santé pour être mieux connus.

Tout au long de cette crise sanitaire, les sapeurs-pompiers sont venus en renfort des hôpitaux et du système de santé.

    A travers la mise à disposition de matériels.
    La réalisation de transports sanitaires par carences d’ambulances privées et de transports secondaires inter-hospitaliers médicalisés.
    La médicalisation des hélicoptères de la Sécurité civile.
    L’armement de centres de dépistage.
    La réalisation de tests antigéniques dans les ports et les aéroports : 822 000 passagers ont été testés grâce à eux. 
    Le renforcement du dispositif « Tester-Alerter-Protéger ».

Et, bien sûr, la participation à l’accélération de la campagne de vaccination de la population.

Grâce à votre arbitrage, le décret du 11 mars dernier nous a permis de joindre nos forces aux personnels de santé, et de mobiliser toutes les forces vives du pays dans cet immense défi de la vaccination. 
Ainsi, plus de 5 500 sapeurs-pompiers ont participé depuis à l’armement de 201 centres de vaccination.

Au moyen de vaccibus, ils sont allés vers les plus isolées et les plus fragiles ou, cet été, lors des grands rassemblements populaires, comme le Tour de France cycliste. Vous étiez à leurs côtés, le 15 juillet dernier, à Luz Ardiden.
Cette campagne de vaccination aura démontré la technicité et la force incontournable des sapeurs-pompiers face aux situations d’urgence.
 
*
Cependant, quelle utilisation notre pays souhaite-t-il faire de cette force ? 
Quelle ambition nourrit-il pour elle face aux mutations rapides de notre société et aux nouvelles menaces issues de la globalisation ?

Il nous faut, en même temps, répondre à deux défis.

Le premier est de renforcer notre capacité à prévenir les risques et à distribuer les secours et les soins au quotidien.

Cependant, les incendies répétés qui ont frappé notre patrimoine culturel (les cathédrales Notre-Dame de Paris et de Nantes), notre appareil productif (l’usine Lubrizol à Rouen) et les populations ( la rue Erlanger : 10 morts en plein Paris en 2019) montrent la nécessité de ne pas baisser la garde sur le niveau de protection de notre pays face au risque d’incendie et de panique.  

Administrations, professionnels du secours, industriels, médias : nous devons aussi mieux nous mobiliser, collectivement, pour prévenir les risques et réduire le nombre d’accidents de la vie courante : 
-    20 000 décès par an ;
-    55 par jour ;
-    1 toutes les 26 minutes.

Nous devons, aussi et surtout, répondre aux défis que sont, pour notre système de santé, la désertification médicale et les inégalités croissantes observées dans l’accès aux soins : nos concitoyens ont, plus ou moins, recours au médecin traitant, à l’hôpital et aux urgences selon qu’ils habitent dans une métropole ou en milieu rural.

Avec pour résultats, un fossé qui se creuse en termes d’espérance de vie, et une fracture qui mine le contrat social et fissure le pacte républicain.

Parce qu’ils sont le premier et, souvent, le dernier recours, les sapeurs-pompiers font l’objet d’une attente croissante des populations et vous demandent de repenser notre système de SANTE.

*

Monsieur le Président de la République : nous, sapeurs-pompiers, sommes habitués à gérer des événements importants au quotidien.
En ce moment même, 30 ou 40 événements sont en cours dans les territoires, où des centaines de nos femmes et hommes sont mobilisés, en interservices.
Quel service peut en dire autant ? 
Nous n’avons pas le temps d’aller sur les plateaux de télévision : nous sommes sur le terrain !

Cette réactivité, cette plasticité, cette capacité d’adaptation fondent notre capacité à nous mobiliser dans la durée face aux situations exceptionnelles d’urgence.

En effet, notre second défi est de répondre aux nouvelles menaces liées à la mondialisation. 

Il faut, pour cela, conforter notre dispositif de préparation et de gestion des crises, et y préciser notre rôle. 

Face aux crises sanitaires. Elles frappent notre pays, en métropole et outre-mer : le SRAS en 2002-2004 ; le chikungunya en 2005-2006 ; la rougeole en 2008 ; la grippe A (H1N1) en 2009 ; et depuis 2019, la covid-19. 

Le réchauffement climatique. Selon le dernier rapport du GIEC publié en août, le seuil de + 1,5 °C – objectif idéal à ne pas dépasser, selon l’accord de Paris – pourrait ainsi être atteint autour de 2030, soit dix ans plus tôt qu’estimé.

La fréquence des jours présentant un danger météorologique de feux de forêts augmente de façon constante : une saison propice aux incendies débute au printemps et se termine en automne, avec une progression vers le nord.
Le Canada, l’ouest des Etats-Unis, la Sibérie, mais aussi le bassin méditerranéen (Turquie, Grèce, Italie, Algérie) ont, à nouveau, été frappés par des incendies historiques cet été.
Tout comme la France : les départements de l’Aude, de l’Hérault, du Vaucluse et surtout du Var, ont été gravement impactés.
L’intensité croissante de ces épisodes le démontre : nous sommes entrés dans l’ère des mégas-feux, auxquels s’ajoutent des inondations de plus en plus fréquentes et intenses.
Comme les orages qui ont frappé les communes de Pignans et Gonfaron le 24 août et le département du Gard le 19 septembre.
Les pluies torrentielles qui ont affecté Marseille et les Bouches-du-Rhône il y a dix jours.   
Ou les terribles précipitations qui ont dévasté l’ouest de l’Allemagne et le Benelux les 14 et 15 juillet derniers, faisant plus de 200 morts et des milliards d’euros de dégâts.
A travers ses sapeurs-pompiers et les unités de la Sécurité civile, la solidarité de la France s’est pleinement exprimée, sur notre sol, en Europe et dans le monde, lors de ces différentes crises. 

La multiplication de ces catastrophes révèle l’importance d’une protection rapide et de grande envergure contre le changement climatique. 

Mais il nous faut aller plus vite, plus loin et plus fort.


Comme le recommande le dernier rapport du Haut conseil pour le climat, nous devons :
-    Elaborer, de manière interministérielle et avec les territoires, une stratégie nationale d’adaptation au changement climatique ;
-    Développer une culture du risque climatique ;
-    Consolider nos systèmes de gestion de crise ;
-    Et abonder leurs acteurs en budget de fonctionnement et d’investissement. 

L’urgence climatique démontre toute la pertinence du renforcement du mécanisme de protection civile de l’Union européenne conduit en 2019, qu’il s’agisse du déploiement d’une réserve de capacités aériennes supplémentaires de 11 avions et 6 hélicoptères bombardiers d'eau, ou de la création prochaine d’un Centre européen d’excellence de sécurité civile à la base aérienne de Nîmes-Garons.
Elle exige, pour la France, de poursuivre et d’intensifier les importants efforts engagés pour renforcer sa sécurité civile, à travers le renouvellement et surtout le renforcement des moyens aériens, le déploiement du système national de gestion opérationnelle NexSIS 18-112, ou les différents projets numériques de grande ampleur prévus au titre du plan de relance :  réseau radio du futur, 112 inversé et modernisation du système d’alerte des populations.

Mais l’Etat ne doit pas accroître ses seuls moyens propres : il doit aussi aider les collectivités locales à financer des moyens pour lutter contre les crises. 
Créée en 2017, la dotation de soutien à l’investissement des SDIS est un excellent levier, qu’il conviendra de consolider durant la prochaine loi de programmation de sécurité intérieure.  

*

Seconde attente : répondre à la menace d’une qualification du sapeur-pompier volontaire comme travailleur au sens du droit européen, pour pérenniser notre modèle de sécurité civile et lui permettre d’absorber l’augmentation continue de la sollicitation opérationnelle qui pèse sur lui. 

La même épée de Damoclès pèse sur les réserves opérationnelles de notre police et de notre gendarmerie.

Comme sur les 197 000 hommes et femmes qui, en France, ont faire le choix de devenir sapeur-pompier volontaire, comme 3 millions et demi de leurs pairs au sein de l’Union européenne.

Ce choix libre et éclairé, ils ne le font assurément pas pour accomplir une prestation sous la subordination d’un employeur, moyennant en contrepartie une rémunération.

S’ils le font, c’est par volonté de donner de leur temps, de leur disponibilité à la collectivité pour protéger leur territoire, ses habitants et leur pays face aux fléaux et aux catastrophes. 
Avec, pour seule contrepartie, une modeste indemnité : 215 Euros par mois en moyenne, en compensation des frais exposés, des risques pris et des sacrifices consentis pour exercer leur passion : l’engagement pour autrui. 

S’ils le font, c’est parce qu’ils partagent l’ambition qui a été la vôtre en lançant le service national universel : permettre à chacun de vaincre les déterminismes liés à sa condition, de vivre dans une société inclusive où s’accomplit, chaque jour, la promesse républicaine de liberté, d’égalité et de fraternité. 

Ce serait un coup mortel porté à notre protection civile, à notre souveraineté et à notre sécurité nationale.

La directive européenne sur le temps de travail n’est nullement en cause : initiée par la France, elle est, incontestablement, un véritable progrès social apporté par l’Union européenne. 

Mais les auteurs de ce texte n’ont, à l’évidence, ni pensé ni voulu, en 2003, intégrer dans son champ d’application les sapeurs-pompiers volontaires, pas plus d’ailleurs les autres activités fondées sur le volontariat ou le bénévolat et concourant à l’intérêt général.

Lors du vote de la loi MATRAS, le Parlement français, à l’unanimité, a appelé l’Etat et le Gouvernement à saisir l’opportunité de la Présidence française de l’Union européenne au premier semestre 2022 pour porter une initiative européenne préservant et favorisant l’engagement citoyen de sapeur-pompier volontaire.

Christophe CASTANER, s’y est engagé en avril 2019 à Fuveau, avant d’amorcer le dialogue avec la Commission européenne.

Ce dialogue a été poursuivi par notre ministre Gérald DARMANIN, débouchant sur la lettre de confort délivrée il y a un an à la France par le Commissaire Nicolas SCHMIT.


Elle est par conséquent une première avancée.

Néanmoins insuffisante, car elle ne lie pas le juge, et expose notre pays à une condamnation.

Monsieur le Président de la République : non, les sapeurs-pompiers ne sont pas prêts à jouer la survie de notre modèle de secours et la sécurité des Français à la roulette russe !  

La solution est connue : faire évoluer le droit européen. 

Dans cette salle comme dans toutes les casernes de France, les sapeur-pompiers attendent de vous aujourd’hui la concrétisation de votre promesse de 2017 de « défendre farouchement le volontariat et le bénévolat, qui n’est pas du salariat ».

*
En mars prochain, nous demanderons à chaque candidate et à chaque candidat à la Présidence de la République de venir nous exposer, sur le volontariat, sur la protection civile du quotidien comme de l’exceptionnel, quelle est leur ambition, leur volonté.

Cela, devant les sapeurs-pompiers de France, réunis, à Paris pour ainsi développer leur projet pour faire de la protection civile une politique publique majeure de notre pays, à la hauteur des menaces et des enjeux de protection des populations.

Avec un budget global supérieur à 5 milliards d’euros, soit plus que les ministères de l’Agriculture et de la Culture, les SDIS ont acquis une belle force de frappe. 

Cette puissance, nous la devons aux départements et collectivités qui, depuis 25 ans, ont appuyé financièrement la création et le développement des corps de sapeurs-pompiers.
En cet instant, je tiens à remercier, au moment où ils cessent leurs fonctions, les Présidents BUSSEREAU et BAROIN pour la qualité de leur écoute et la qualité du travail accompli avec l’ADF et l’AMF.
Et à saluer la volonté exprimée avant-hier à la tribune de ce congrès par le Président SAUVADET, au nom des présidents de départements, de continuer à faire des SDIS une priorité d’action.
  
Chaque année, le débat budgétaire sur la sécurité civile reste essentiellement un débat sur la flotte nationale de lutte contre les feux de forêts.

Le financement de la sécurité civile est éclaté entre 10 programmes et suivi par 6 ministères différents, pesant sur l’efficacité de la mise en œuvre des projets considérés.

De même, aucune instance ne réunit les différentes parties prenantes :  administrations, opérateurs de services publics, organismes de recherche et d'expertise, élus, industriels et acteurs du secours, pour vérifier l'état de la préparation aux risques, établir une typologie des menaces, et s'assurer de la mise en commun des ressources au service de la planification, de la préparation et de la conduite opérationnelle.

Un constat identique peut être dressé s’agissant de l’éducation des populations à la culture du risque : en juillet dernier, le rapport de la mission COURANT sur la transparence, l’information et la participation de tous à la gestion des risques majeurs, technologiques ou naturels, pointait encore les insuffisances d’un pilotage éclaté entre plusieurs ministères et insuffisamment décentralisé.

Enfin, le Conseil d’Etat vient de le préconiser : la pandémie de Covid-19 nous invite à revoir en profondeur notre modèle de gestion de crise pour casser les logiques de silos, décloisonner l’actio publique et accroître la coordination interministérielle. 
Pour développer l’anticipation, la planification et réarmer l’Etat.

Alors oui, Monsieur le Président : un nouveau portage politique de la protection civile est nécessaire, nous le pensons, pour positionner cette politique publique au niveau qui doit être le sien.

Pour cela, nous demandons que les Préfets soient au niveau départemental les porteurs de l’interministériel.

Ils ont l’habitude et sont les seuls à savoir et pouvoir associer l’ensemble des élus, des services, des opérateurs pour résoudre les problèmes au quotidien comme en situation d’urgence. Ce portage départemental doit être consacré au niveau gouvernemental par un portage ministériel de la protection civile et de la gestion des situations d’urgence.

Ce portage ministériel doit s’articuler autour d’une direction générale de la protection civile et de la gestion des crises forte. La préparation, la planification et la conduite opérationnelle des crises doit relever, à l’échelon national, des professionnels chargés de les gérer quotidiennement dans les territoires.

Pour cela, les freins statutaires à la mobilité doivent être levés pour permettre aux officiers supérieurs de sapeurs-pompiers relevant du cadre d’emplois de conception et de direction de servir l’Etat.

L’ENSOSP, notre école nationale doit être le vecteur institutionnel, avec une gouvernance revisitée, et permettre ainsi d’élargir son champ de compétences, son champ missionnel.

En un mot, créons un véritable Institut national de la protection civile et des situations d’urgence, à la fois pôle d’excellence européen et vecteur de rayonnement du savoir-faire français dans le monde.

***

Monsieur le Président de la République,

Depuis votre élection, vous portez, pour la France, le projet d’une société de l’engagement, inclusive, émancipatrice et résiliente.

Et pour l’Europe, celui d’une Union plus souveraine, protectrice de ses peuples, capable de répondre aux défis de notre monde globalisé, en particulier celui du climat.

Ce projet, les sapeurs-pompiers de France l’incarnent au plus profond d’eux-mêmes.

Dans cette salle comme dans tous les centres de secours, ils attendent donc de vous des paroles fortes : l’expression d’une véritable ambition de protection civile, à la mesure du courage et du dévouement dont ils font preuve en portant secours, chaque année, à quelque 4 millions de victimes, eux que vous qualifiez de héros du quotidien.

Ce matin, ils ne demandent donc pas à être séduits, mais convaincus.

Sapeurs-pompiers de France, ce congrès est aussi pour moi source d’une profonde émotion.

Vous m’avez massivement renouvelé votre confiance, à travers vos grands électeurs, pour un nouveau mandat de 3 ans à la tête de notre Fédération nationale.

Vous me transmettez votre énergie.

Cette énergie et votre engagement me donnent la détermination à porter et à représenter, 3 ans à nouveau, la force de notre réseau des 285 000 adhérents.

Du fond du cœur, soyez-en remerciés.


Vive les sapeurs-pompiers,

Vive la République,

Et vive la France.


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