Ce qu'il faut retenir sur le secours d’urgence aux personnes (SUAP)

Santé - Le 28 septembre 2018

[MAG] Au centre des préoccupations, l'évolution du SUAP (secours d’urgence aux personnes) a pu être abordée longuement lors du congrès national des sapeurs-pompiers sous le format d'une rencontre qui mêlait présentations techniques, propositions politiques et temps d'échanges avec l'assemblée. Replay vidéo de la rencontre en fin de cet article.

Ce qu'il faut retenir sur le SUAP

Occupant le devant de la scène, aussi bien médiatique avec des faits divers comme l'affaire Naomi, que politique avec les annonces présidentielles et ministérielles ces derniers mois sur le 112, ou encore opérationnelle avec un quotidien de plus en plus chargé en interventions de ce type, le SUAP était un sujet particulièrement attendu.

Etat des lieux et initiatives locales

En ouverture, un état des lieux a été dressé par le colonel Eric Meunier, DDSIS du Gers, sur le système de santé et son impact sur les SDIS. «Les pompiers transportent deux fois plus de victimes qu'il y a 10 ans. D'autre part, chaque soldat du feu est beaucoup plus sollicité, réalisant 67% d'interventions en plus qu'il y a 25 ans.» Une réponse de la Nièvre, développée par son directeur le colonel Emmanuel Ducouret, est une cotation de la gravité des interventions SUAP en trois niveaux par le SAMU. Lorsqu'il y a 2 VSAV dans un CIS, le deuxième engin n'est pas engagé pour carence de niveau 2 ou 3. Une autre réponse est les VSAV à 2 SP, solution qui se développe aujourd'hui dans plusieurs départements en particulier pour les interventions pour carence d'ambulance. Dans la Somme, on souhaiterait «pouvoir disposer d'un délai de réponse différé».

Faire évoluer la technique et les compétences

Les sapeurs-pompiers savent tout faire dans le domaine de l'urgence. Secouristes, paramédicaux avec les 7000 ISP (infirmiers sapeurs-pompiers) protocolés et reconnus comme tels depuis 2008, jusqu'au médical avec les médecins urgentistes. Le duo Patrick Chavada du SDIS 84 et Philippe Secondi du SDMIS proposait «d'évoluer en combinant toutes ces forces, et en se formant ensemble pour développer ensemble des objectifs et une réponse commune».

Pour le Dr Didier Pourret, administrateur de la FNSPF et médecin chef du SDIS 01, la baisse de la proportion de traumatismes «est la conséquence mécanique de l'augmentation des secours pour problèmes médicaux, injustement réunis sous le vocable de «malaises». Cela doit aboutir à une réorganisation de notre réponse sur le SUAP. Les connaissances doivent être augmentées dans les domaines de la pharmacologie, de la physiopathologie, des affections médicales, de l'anatomie... Cela passe par l'arrivée de nouvelles procédures, comme les bilans ABCDE, l'amélioration de la qualité relationnelle avec les victimes, ou l'hypno-analgésie, mais aussi de nouveaux gestes comme la réalisation d'ECG télétransmis ou de mesures de glycémie ou d'hémoglobimétrie». Enfin, les SP doivent pouvoir délivrer des médicaments grâce à des prescriptions à distance. «En bref, tout ceci pourra se traduire par l'arrivée de la qualification de techniciens de secours d'urgence (TSU), soit des SP aux compétences élargies. Ce TSU, un par équipage VSAV, pourrait ainsi s'intercaler dans une réponse graduée entre des équipages SP assurant un prompt secours, et des équipages paramédicalisés avec un ISP. Enfin, on retrouverait toujours dans les cas les plus graves un médecin». «Nous avons la capacité de réaliser ces missions. Nous devons décider comment le faire, et il est temps d'étendre l'éventail de nos gestes réalisables».

Des arbres décisionnels pour déclencher les secours

Le Dr Christian Poirel du SDIS de l'Hérault, pointe la difficulté à qualifier ces missions. Pour contourner cette difficulté, «nous avons mis en place des arbres décisionnels, et pour cela nous avons identifié 27 situations différentes, et créé à chaque fois un arbre correspondant. Cela nous permet de savoir si nous devons engager l'un de nos moyens avant régulation médicale, qui ne devient par conséquent que rarement utile. A posteriori cela permet une meilleure requalification des missions, et de définir correctement les carences. Ce type d'arbres décisionnels existent dans les pays anglo saxons depuis 30 ans, à l'image du priority dispatch system.»

Reprendre les commandes de l'avion «SUAP»

«Il faut reprendre les commandes de la mission.» Patrick Hertgen, vice-président de la FNSPF et médecin chef du SDIS du Nord, en est convaincu. «Et pour cela, il faut en comprendre son sens, et connaître notre activité. Aujourd'hui nous ne faisons qu'une analyse quantitative.» Répondant au lieutenant-colonel Broussou du SDIS de la Lozère qui disait «Faut-il pallier ce que l'ARS n'arrive pas à gérer? Il faut faire bien ce que l'on doit faire, et laisser les autres assurer ce qu'ils doivent assumer.» Patrick Hertgen a fait la remarque suivante: J'entends «Ces missions, c'est les autres». Mais combien de temps on les attend, les autres? Aujourd'hui le SUAP n'est plus une mission partagée. Nous en réalisons l'intégralité, parfois avec l'appui de SMUR, dans moins de 10% des cas.» Conséquence de l'histoire de sa création, «le secours est traité par un service qui ne traite pas de secours, mais de problèmes médicaux. D'autant plus que les appels vers le SAMU ne sont urgents que dans moins de 10% des cas. Notre objectif n'est pas d'en faire plus, mais de reprendre les commandes. Ainsi un sapeur-pompier qui en a les qualifications doit pouvoir être DSM, sinon il ne sera que le chef d'une compagnie de brancardage. Nous devons pouvoir assurer le haut du spectre du secours, c'est à dire le plus grave, car sinon on ne pourra pas piloter l'ensemble de ces missions».

De soldats du feu à acteurs uniques du SUAP

Pour le président de la FNSPF Eric Faure, « nous vivons un changement de paradigme. Nous sommes passés de soldats du feu à acteurs uniques du SUAP, qui en plus font de l'incendie. Il ne faut donc plus expliquer aux nouvelles recrues qu'elles rentrent pour faire du feu, car ce n'est pas vrai.» Sur le plan des plateformes communes, la donne a aussi changée : «Aujourd'hui nous sommes dans un pays qui n'a plus d'argent. Créér des plateformes régionales me semble maintenant impossible. Il y a des gens dans les territoires qui gèrent ces missions, et il est possible de trouver localement des locaux, afin d'y implanter des plateformes communes. Pour démarrer ces implantations, la dynamique doit venir du département. Et opérationnellement, le CODIS va continuer à gérer.» Sur le plan opérationnel, «nous devenons autonomes. A l'époque nous avons mis 5 ans pour avoir les DSA. Combien de morts évitables dans cette période? Aujourd'hui nous devons avoir l'aval de la santé pour faire un changement dans un VSAV, alors que dans le même temps un appel sur 2 vers le 15 à Paris n'obtient pas de réponse. Nous ne devons plus avoir besoin de la santé pour faire notre quotidien.»

Des tensions budgétaires

Dominique Bussereau, président de l'assemblée des départements de France, souligne la situation financière tendue des départements. «L'augmentation de nos dépenses est limitée à 1,2%. Or ces dépenses concernent du fonctionnement. Un levier que nous avons dû activer en Charente a été de proposer de financer l'achat de camions, afin que cela passe en investissement, et que le SDIS puisse dégager des fonds pour mieux financer son fonctionnement. Sur le plan de la mutualisation, beaucoup de choses sont déjà en place, mais il faut continuer à la développer. Par contre il y a trop de normes, de changements de réglementation, qui nous obligent à investir sans cesse sur du nouveau matériel, et il faut réduire ce phénomène.»

Réfléchir sur l'avenir de l'urgence

Poursuivant sur le monde de l'urgence en général, Dominique Bussereau développe son point de vue. «Sur les numéros d'urgence, leur multiplication rend tout cela illisible. Concernant les ARS, le problème est qu'elles ne dépendent de personne. Du coup, le directeur de l'ARS a souvent l'impression d'être le ministre dans sa région; or ils n'ont pas à faire la loi dans leurs départements. C'est le moment de poser dans la société française le problème de l'urgence: risque terroriste, technologique, ou le réchauffement climatique qui engendre plus de tempêtes ou d'incendies de forêts, y compris dans des zones où ces phénomènes n'existaient pas : la société française n'échappera pas à une réflexion politique sur l'urgence. Et les acteurs de l'urgence pour notre pays, ce sont les sapeurs-pompiers

Une augmentation nette de l'activité ces derniers mois

Michel Marquer, directeur des sapeurs-pompiers à la DDSCGC, fait remarquer que «la sollicitation augmente nettement depuis le début de l'année. Par exemple dans le SDMIS on a 11% d'augmentation depuis le début de l'année; en gros c'est 60 SP de plus par jour, ce qui est considérable. L'état n'ignore pas cette situation; nous devons faire baisser cette pression opérationnelle. D'autre part il y a bien une différence entre un secouriste d'une association qui fait un poste de secours de temps en temps, et un sapeur-pompier qui utilise quotidiennement toutes les nouvelles technologies qui lui sont confiées.»

«Le SUAP est aujourd'hui une mission pleine et entière des SDIS, et non pas une contrainte pour eux. L'enseignement de la rencontre à laquelle nous venons d'assister, c'est que la seule personne qui compte, c'est la victim» a conclu le président Eric Faure.

Texte : Thomas Bex
Photos :  Patrick Forget

Replay de la rencontre


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