Allocution du colonel Grégory Allione, Président de la FNSPF et de l'ODP, le 16 octobre 2020.

Institutionnel - Le 19 octobre 2020

Allocution du colonel Grégory Allione, Président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France et de l'Oeuvre des Pupilles orphelins et fonds d'entraide des sapeurs-pompiers de France - En cloture de l'assemblée générale de la FNSPF, le vendredi 16 octobre à Paris. 

 

Monsieur le président de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, cher Olivier Richefou,

Mesdames et Messieurs les élus,

Chers amis sapeurs-pompiers que j’ai la fierté de représenter,

Mesdames, Messieurs,

Merci de votre présence en clôture de cette assemblée générale.

 

Merci également aux équipes des salariés pour avoir permis la tenue de ces assemblées générales de notre Œuvre des pupilles et de notre Fédération nationale dans ces circonstances exceptionnelles.

Fait exceptionnel dans les 138 ans d’existence de notre Fédération, le contexte sanitaire lié à l’épidémie de covid-19 n’aura pas permis, comme lors des temps de guerre, l’organisation de notre congrès national à Marseille.

Il empêche de même la présence du Président de la République parmi nous, comme il l’avait envisagé.

Nos concitoyens expriment de fortes attentes en réponse à la crise sanitaire, économique et sociale qu’affronte notre pays.

Besoin de protection face aux risques et aux menaces de notre monde globalisé : climat, pandémies, terrorisme.

Mais aussi, et c’est lié : besoin de souveraineté, nationale et européenne, pour moderniser nos services publics, assurer notre indépendance industrielle et pourvoir à nos besoins dans les secteurs stratégiques.

Besoin de solidarité pour préserver la cohésion de notre société face aux fractures, sociales et territoriales, qui la traversent.

Besoin d’engagement pour conforter notre pacte républicain, donner en particulier à nos jeunes un sens à leur existence et ne pas céder, en ces temps troublés, à l’individualisme, au désespoir et aux différentes formes de radicalisation.

Et enfin, besoin de résilience, grâce à des citoyens en capacité d’être les premiers acteurs de leur sécurité face aux risques.

 

Cette crise le démontre : il nous faut accroître notre capacité à penser le long terme et à préparer l’avenir.

Privilégier, comme nous le faisons, une approche territorialisée autour des préfets de département et des maires, sans renoncer à l’indispensable verticalité.

Mais aussi, saisir les opportunités de la révolution numérique pour transformer l’action publique, mettre fin au cloisonnement de nos services publics coûteux et inefficace, et systématiser leur mise en synergie et leur coopération.

 

La sécurité civile est au cœur de ces enjeux.

Dans chacune de ses composantes.

A commencer bien entendu, par les femmes et les hommes qui la servent : personnels des moyens nationaux, bénévoles des associations agréées et avant tout les 250 000 sapeurs-pompiers, professionnels, volontaires et militaires.

Historiques soldats du feu, nous sommes devenus les soldats de la vie dans les territoires : sur nos 5 millions d’interventions annuelles, plus de 4 sont consacrées au secours d’urgence aux personnes et cette sollicitation ne fait qu’augmenter.

 

Parallèlement, nous combattons, en première ligne, les crises de toutes sortes qui, mois après mois, frappent, sans répit, notre pays.

Incendie de l’usine Lubrizol en septembre, séisme en Ardèche et épisode méditerranéen en novembre.

Depuis mars, crise de la Covid.

En juillet, sauvegarde de la cathédrale de Nantes de l’incendie -après celle de Notre- Dame-de-Paris.

En août, nous luttions contre les feux de forêt en Gironde, au pays basque, sur la façade méditerranéenne, mais aussi, élément nouveau en Seine-et-Marne et dans les Ardennes.

Il y a quelques jours à peine, la crue cévenole dans le Gard et l’Hérault, l’attaque terroriste de Paris et la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes, les zones ouest et sud-ouest de notre pays mobilisaient prêt d’un millier d’entre nous.

 

Dans toutes les situations catastrophiques qui appellent une réponse de l’Etat, les sapeurs-pompiers répondent présents et sauvent des vies, trop souvent au détriment de la leur. Nous pensons tous en ce moment au Commandant Bruno KOHLHUBER et au sapeur de 1ère classe Loïc MILLO.

Je n’oublie pas non plus nos collègues d’outre-mer qui font face au Covid-19, aux ouragans, aux cyclones et aux épidémies de dengue avec courage et dévouement.

Ce savoir-faire, nous l’exportons pour apporter la solidarité de la France à nos amis meurtris et pour assurer son rayonnement sur la scène internationale : cette année encore, au-delà des centaines d’actions de coopération, nous sommes intervenus après le tremblement de terre en Albanie, les méga-feux en Australie, ou auprès du Liban meurtri par l’explosion du port de Beyrouth.

 

Mais la communauté de la sécurité civile, ce sont aussi :

  • Les moyens nationaux du ministère de l’intérieur qu’il convient de densifier et de diversifier;
  • Les élus départementaux et communaux qui en 20 ans ont donné aux SDIS cette force de frappe opérationnelle;
  • Les industriels de la branche Incendie et secours qui, par leurs innovations, garantissent l’efficacité et la sécurité de nosinterventions. Ils sont un atout pour la souveraineté industrielle de notre pays, et doivent être pleinement associés à la relance et aux actions menées pour la relocalisation de notre appareil productif.
  • Et enfin, les bénévoles des associations agréées de sécuritécivile.

 

Dès votre discours du 6 octobre 2017, vous aviez justement identifié l’importance de ces enjeux.

Depuis, le travail étroit accompli avec les ministres de l’intérieur successifs, notre direction générale, les élus locaux et les parlementaires nous ont permis de préparer, mais pas de conduire à terme, les transformations alors souhaitées pour :

D’une part, déployer une nouvelle ambition de sécurité civile, en France et en Europe.

D’autre part, préserver et renforcer notre modèle de secours, fondésur

l’engagement.

 

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Nourrir une ambition de sécurité civile pour la France et pour l’Europe, c’est, tout

d’abord, nous préparer à répondre aux crises liées au réchauffement climatique.

Déjà, nous ressentons ses effets : les événements climatiques extrêmes se reproduisent plus souvent, plus tôt et de plus en plus au nord. Concrètement, cette année les pélicandromes d’Angers, de Châteauroux et de Limoges ont été par plusieurs fois activés.

L’intensification, demain, de ce phénomène paraît inéluctable, avec la remontée annoncée jusqu’à l’Ile-de-France des zones forestières sensibles aux incendies d’ici 2040.

Et, en 2050, un impact régulier du risque de feux de forêt sur la moitié de la forêt française qui couvre -rappelons-le- un quart de notre territoire.

Notre stratégie a prouvé son efficacité : 90% des incendies sont maîtrisés avant

d’avoir parcouru 5 hectares, grâce à un important dispositif de prévention conjugué à l’intervention terrestre des sapeurs-pompiers et aérienne des moyens de la Sécurité civile.

Mais il serait vain de croire qu’une ligne Maginot nous protègerait durablement contre les méga-feux qui, déjà, ravagent les Etats-Unis, la Sibérie, l’Amazonie et l’Australie.

Nous devons donc investir dans le renouvellement et l’adaptation de notre capacité de réponse aérienne, aujourd’hui vieillissante, pour pallier le risque de rupture capacitaire.

Le budget de l’Etat est mobilisé.

Pour compenser la perte accidentelle ces derniers mois de nos deux hélicoptères Dragon 30 et Dragon 64, et pour permettre une adaptation de nos moyens héliportés à des missions de plus en plus polymorphes.

Comme pour déployer d’ici 2022 un système moderne d’alerte des populations, par

l’envoi de SMS géolocalisés et de messages par la technologie de diffusion cellulaire.

Au-delà, nous devons encore augmenter nos capacités d’intervention pour des missions de sécurité civile, les intempéries dans les Alpes-Maritimes viennent encore de le démontrer, et intensifier les mutualisations avec les hélicoptères de la Gendarmerie, des SAMU et des Douanes.

Une plus forte coordination interministérielle est, en effet, nécessaire pour optimiser les choix d’implantation et permettre une meilleure efficacité opérationnelle et budgétaire : pourquoi ne pas aller vers une flotte bleu blanc rouge des hélicoptères d’Etat ?

La modernisation de notre flotte d’avions bombardiers d’eau est, elle aussi, engagée avec l’achat de 6 appareils multirôles Dash en remplacement progressif des Trackers d’ici 2023 et la commande de deux nouveaux Canadair avec le concours financier de l’Union européenne.

Une organisation accrue au niveau européen doit renforcer notre capacité

d’investissement, de réponse opérationnelle et notre souveraineté.

La base aérienne de Nîmes-Garons a vocation à constituer un pôle européen

d’excellence avec la formation d’officiers dans la lutte contre les feux et dans la gestion de crise.

Toutefois, cette modernisation de nos vecteurs aériens serait vaine sans une action simultanée sur les moyens terrestres.

Les dotations exceptionnelles aux collectivités territoriales prévues dans le cadre du plan de relance de l’économie doivent pouvoir être fléchées pour soutenir l’investissement des SDIS dans des projets de modernisation des centres d’incendie et de secours pour renforcer la réponse capacitaire, diversifier et féminiser nos effectifs, ou encore conforter les actions engagées de développement durable.

Nous souhaitons des instructions en ce sens aux préfets.

Car le réchauffement climatique pose, d’ores et déjà, plusieurs questions.

Celle de la suffisance capacitaire de nos effectifs, professionnels et surtout volontaires, pour répondre à ce nouveau contrat opérationnel.

Et celle de la pérennité de la solidarité nationale fondée sur les colonnes de renfort interdépartementales : comment continuer à projeter ces moyens sur les théâtres de crises, s’ils sont déjà sollicités au niveau local pour des besoins courants ou des situations exceptionnelles ?

Pour renforcer la disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires en cas de crise, nous proposons la création d’une autorisation légale d’absence de huit jours par année civile, à l’instar des réservistes opérationnels.

Le prochain Livre blanc sur la sécurité intérieure doit apporter des réponses.

*

Au-delà du climat, cette ambition de sécurité civile doit également conduire à améliorer notre capacité de réponse aux crises dans le domaine sanitaire.

La pandémie de Covid-19 a, très rapidement, montré l’incapacité des acteurs de santé à surmonter seuls cette crise, sans le concours des forces vives de la résilience des territoires que sont les élus locaux et les sapeurs-pompiers.

Dès l’arrivée du virus, nous nous sommes mobilisés, en première ligne, avec notre service de santé et de secours médical, pour adapter les conditions d’exercice de nos missions et appuyer les professionnels de santé hospitaliers et libéraux, les EHPAD et les populations les plus fragiles.

 

Trois enseignements majeurs doivent, à notre sens, être tirés -et ils l’ont déjà été pour partie - de la gestion de la première partie de cette crise.

 

En premier lieu, notre modèle de gestion de crise doit être revisité pour plus

d’anticipation, de planification et de coordination interministérielle.

Mais face au péril, l’efficacité exige une unicité de direction et de déclinaison des décisions ainsi qu’une séparation des niveaux stratégiques, tactiques et opératifs : pour cette raison le pilotage national doit donc clairement revenir au ministère de l’intérieur et aux préfets de département.

Eux seuls sont en mesure de mobiliser l’ensemble des acteurs d’une crise, à commencer par les élus, à prendre en compte ses aspects interministériels et à assurer l’adéquation des mesures prises au contexte local.

 

En second lieu, une politique plus ambitieuse doit être déployée en faveur de la protection civile.

La Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises doit être pourvue des moyens nécessaires pour garantir, comme demandé lors de sa création en 2011, un continuum entre la préparation et la gestion opérationnelle des crises de toute nature sur le territoire national.

Mais comment y parvenir si ceux qui gèrent les crises dans les territoires ne sont pas davantage associés à leur préparation et à leur gestion à l’échelon national ?

Comme ses homologues de la police et de la gendarmerie nationale, notre direction générale doit donc évoluer vers une direction générale pleinement opérationnelle, aveclanominationd’undenoscollèguescommedirecteurdessapeurs-pompiersetla création d’un état-major auprès du directeur général et du ministre de l’intérieur. L’efficacité de ce modèle démontre toute sa pertinence chez nos voisinseuropéens.

La réforme des emplois supérieurs de direction de 2016 ayant échoué à développer les passerelles entre les SDIS et les services de l’Etat chargés de la sécurité nationale et de la gestion des crises, un acte II de cette réforme doit être engagé pour lever les freins et encourager les mobilitésprofessionnelles.

L’Etat et les collectivités territoriales doivent faire de l’ENSOSP un acteur majeur de cette ambition : par sa gouvernance partagée, notre Ecole nationale a vocation à assurer le pilotage global de laformation des sapeurs-pompiers aujourd’hui éclatée, la gestion de leur encadrement et la formation de l’ensemble des acteurs, publics et privés, de la gestion descrises.

 

Troisième et dernier enseignement de la crise sanitaire : la nécessaire refonte de notre système de santé pour développer la territorialisation et la coopération entre les acteurs.

Le Gouvernement s’est engagé dans cette voie à travers le pacte Ma santé 2022 et le Ségur de la santé.

Mais cette transformation doit s’opérer sans angle mort, et ne pas occulter ce qui se passe en amont de l’hôpital et de ses urgences.

C’est unfait : les sapeurs-pompiers sontdevenus, au fil du temps, lespremiers acteurs des urgences préhospitalières.

Cette politique publique ne peut donc rester fondée ni sur un principe et un texte vieux de 40 ans : la régulation médicale obligatoire et la loi de 1986 sur l’aide médicale urgente qui font de notre pays une exceptionmondiale.

Ni sur un référentiel : le Référentiel SDIS-SAMU de 2008, largement obsolète.

Nous assurons, seuls, 95% des secours et soins d’urgence aux personnes.

Jusqu’à quand resterons-nous considérés comme de simples effecteurs des SAMU actionnés à volonté pour combler les carences du système de santé, sans avoir la maîtrise des moyens de notre principale mission ?

En 2017, le Président de la République avait fixé deux objectifs.

D’une part, prendre le virage de la révolution numérique pour avoir un système unifié plus opérant et beaucoup moinscoûteux.

C’est aujourd’hui chose faite avec la création de NexSIS 18 112, système national de traitement des appels, de l’alerte et des opérations des services d’incendie et de secours, en cours de déploiement dans les départements : 18 d’entre eux en seront dotés dès 2022, dans la perspective de la Coupe du Monde de rugby et des Jeux olympiques et paralympiques organisés par notre pays en 2023 et 2024.

Inscrit dans la même temporalité, le projet de Réseaux radio du futur doit permettreà l’ensemble des acteurs de la sécurité et du secours de bénéficier d’un haut niveau de résilience, des dernières technologies et de rentrer pleinement dans une gestion globale de leur activité opérationnelle, en métropole etoutre-mer.

D’autre part, le Président de la République avait demandé que, conformément à ses engagements européens, notre pays fasse du 112 le numéro unique d’appeld’urgence et mette en place des plateformes uniques de réception de ces appels entre police, gendarmerie, SAMU etpompiers.

Associations nationales d’élus, des médecins urgentistes de France, syndicats de médecins généralistes, près de 400 députés et nombre de sénateurs : tous demandent, comme nous, la généralisation de ces centres départementaux interservices 112, articulés avec des plateformes 116117 d’accès aux soins portées par les professionnels de santé ambulatoire.

Trois ans ! Voilà trois ans que nous attendons l’arbitrage interministériel nécessaire à cet effet !

Pourtant, la crise de la Covid-19 est, là encore, révélatrice.

Dans les 21 départements qui en sont dotés, ces plateformes communes ont permis d’absorber l’afflux d’appels au 15, grâce au renfort des pompiers et de leur service de santé auprès de leurs collègues du SAMU.

Et les pays qui, comme l’Allemagne, la Suède ou l’Autriche, disposaient d’un numéro

d’appel non-urgent ont évité l’embolie de leur numéro d’appel d’urgence.

En comparaison, la saturation, des jours entiers, des Centres 15 à l’acmé de l’épidémie, avec parfois un délai de réponse de 45 minutes, montre qu’il est nécessaire de sortir du touturgences.

Il est temps de cesser de mettre dans la même file d’attente des appels pour une grippe et pour un arrêt cardiaque!

 

L’argument selon lequel il serait périlleux de confier aux usagers, confrontés à un problème de santé, le choix du numéro à composer : le 112 ou le 116 117, au motif qu’une sous-évaluation de leur gravité entraînerait une perte de chance est infondé.

Les médecins généralistes seraient-ils donc incapables de réorienter un appel depuis la permanence des soins vers l’aide médicale urgente ?

Ils le font depuis toujours, sans aucune perte de temps significative !

L’autre argument, quelque peu éculé, selon lequel nous raviverions une guerre entre

« blancs » et « rouges » est tout aussi fallacieux et irrecevable !

Personne ne met en cause le professionnalisme des personnels des SAMU, avec lesquels nous coopérons main dans la main au quotidien.

Ce que nous dénonçons, c’est l’absence de doctrine et de stratégie nationales communes entre nos deux services publics.

En raison d’une organisation archaïque et inefficiente, portée par une poignée de mandarins.

Notre pays est incapable de respecter les recommandations scientifiques internationales concernant les délais de décroché pour répondre à des situations de détresse immédiate !

Cette performance est très éloignée de celle des Centres 15 aujourd’hui.

Sauf à augmenter considérablement la ressource humaine, dans des proportions ni évaluées ni budgétées dans le projet de service d’accès aux soins présenté au ministre de la santé !

Il n’existe qu’une solution lisible et efficace : le 112 pour l’appel aux secours urgents, le 116 117 pour l’accès aux soins ou à un conseil médical !

Quand l’Etat décidera-t-il de cette indispensable modernisation ? Quand aurons-nous une décision ?

Quand aurons-nous cette mise en œuvre ?

C’est ce que nous évoquerons avec le Président de la République la semaine prochaine.

D’autres transformations sont encore nécessaires pour adapter la réponse opérationnelle de sécurité civile aux enjeux de secours et de soins d’urgence aux personnes.

Tout d’abord, la redéfinition du cadre de nos missions, proposée par le texte de loi déposé au début de l’été par les députés Fabien MATRAS et Pierre MOREL-A- L’HUISSIER, co-présidents du groupe d’études de l’Assemblée nationale sur les sapeurs-pompiers volontaires.

Jusqu’à quand nous imposera-t-on d’intervenir dans les mêmes délais et avec les mêmes moyens, sans distinguer entre une mission urgente, tellequ’un arrêt cardiaque, et une mission non-urgente, comme un transport de malade ou un relevage de personne?

Et sans nous reconnaître alors le droit de temporiser pour ne pas dégarnir notre couverture opérationnelle ?

Mais aussi la consolidation de nos services de santé et de secours médical, à travers un positionnement renforcé au sein des SDIS, une meilleure attractivité des carrières en leur sein et un accès élargi des professions médicales à l’engagement comme sapeur- pompier volontaire : cadres de santé, psychologues,diététiciens…

Et enfin, l’enrichissement des capacités et gestes techniques des sapeurs-pompiers en secours d’urgence aux personnes.

L’histoire se répète, et l’on pourrait en sourire si le sujet n’était grave et si des vies

n’étaient en jeu.

Il y a 20 ans, le ministère de la Santé refusait de nous autoriser à déployer des défibrillateurs automatiques au motif qu’il s’agissait d’un acte médical.

Ils sont aujourd’hui à la disposition du grand public !

A présent, pour les motifs, les mêmes réticences s’expriment pour nous autoriser à prendre la tension artérielle, ou à faire des tests de glycémie capillaire.

Combien de temps encore nous empêchera-t-on de mobiliser notre technicité pour secourir les populations éloignées des services hospitaliers d’urgence ?

Combien de temps encore la frilosité corporatiste de quelques mandarins freinera-t- elle la mise en conformité de notre droit avec la réalité des besoins et des pratiques territoriales ?

Combien de temps faudra-t-il encore pour que nous soyons reconnus pour ce que nous sommes : des techniciens polyvalents du secours d’urgence!

Malgré un arbitrage favorable du Premier ministre, nous attendons encore le décret en ce sens annoncé par Gérard Collomb à notre congrès en 2018 : il est temps d’aboutir!

 

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Toutefois, cette ambition serait vaine sans une action résolue pour préserver le modèle français de secours

Un modèle qui a pour socle l’engagement des femmes et des hommes à son service.

Cela requiert que nous agissions dans six directions, comme le chef de l’Etat l’avait dit en 2017.

La première : faire en sorte que la République protège ses serviteurs, ceux de ses enfants qui prennent délibérément des risques pour protéger les populations face aux risques et aux menaces de toutes sortes.

Une réaction ferme s’impose face au développement des agressions à notre encontre. Elles ont triplé en dix ans et frappent désormais quotidiennement neuf des nôtres.

Une ligne rouge a, incontestablement, été franchie avec la blessure par balle de l’un

de nos collègues en intervention le 14-Juillet à Etampes.

Alors merci ! Merci, Monsieur le Président, d’avoir alors exprimé l’indignation de la communauté nationale, décrété la tolérance zéro et promis une réponse judiciaire rapide contre les agresseurs de sapeurs-pompiers, comme de tout représentant de notre République.

La justice - elle l’est de plus en plus- doit en effet être rapide et ferme, et les peines prononcées effectives, exemplaires et dissuasives.

L’annonce par le ministre de l’intérieur d’un dépôt de plainte systématique du ministère dans ces circonstances est la bienvenue. Tout comme le plan de prévention et de lutte diffusé le 20 août aux préfets, largement inspiré des propositions de notre Fédération et du Sénat, portées par Catherine TROENDLE, Loïc HERVE et Patrick KANNER.

D’autres mesures sont attendues en complément.

La création de centres départementaux d’appels d’urgence 112 doit ainsi permettre de renforcer la coordination avec les forces de l’ordre et les SAMU pour détecter dès l’appel les interventions sensibles et déclencher le bon train de départ des secours.

Comme le proposent les députés, nous demandons également l’extension aux sapeurs-pompiers, à l’instar des maires, de la qualification d’outrage aux personnes dépositaires de l’autorité publique.

Et le vote conforme par l’Assemblée nationale de la loi adoptée par le Sénat en mars 2019 pour garantir l’anonymat des témoins d’agressions de sapeurs-pompiers en cas de plainte.

 

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Second champ d’action : la reconnaissance de l’engagement des sapeurs-pompiers professionnels, en contrepartie des sujétions et de la dangerosité de leur métier.

La revalorisation en août de l’indemnité de feu rapproche, et ce n’est que justice, la prise en compte des risques de celle accordée à nos collègues policiers et gendarmes.

Pour favoriser le financement de cette mesure et soutenir le pouvoir d’achat, le ministre de l’intérieur soutient, comme nous le demandons avec l’ADF et l’AMF la suppression des parts patronale et salariale de la sur-cotisation versée à la CNRACL1, désormais sans fondement.

Nous souhaitons l’aboutissement de cette mesure lors du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

Cette reconnaissance de l’engagement doit également se décliner dans le cadre de la prochaine réforme des retraites soumise au Parlement.

L’intégration des primes dans l’assiette de cotisations, la reconnaissance des métiers pénibles et la préservation de la bonification d’une année de retraite toutes les cinq années de service sont de premières garanties.

Elles doivent encore être confortées par la portabilité des droits, le classement - comme pour nos collègues policiers - de tous les emplois de sapeurs-pompiers professionnels en catégorie active et le maintien des bonifications pour services aériens, sous-marins et subaquatiques.

Car notre métier est dangereux. Le Président de la République l’avait rappelé le 6 décembre dernier en rendant hommage à nos collègues Jean GARAT, Michel ESCALIN et Norbert SAVOURNIN décédés en service commandé.

Cette dangerosité ne se divise pas, et doit être reconnue au niveau des retraites.

 

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Troisième de ses priorités : impliquer davantage les Français dans la protection civile, et faire du citoyen le premier acteur de sa sécurité.

La création du statut de citoyen sauveteur par la loi du 3 juillet dernier marque un progrès en ce sens.

Tout comme la progression continue du nombre de « bons samaritains ».

1 Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.

On note la mobilisation de l’Education nationale dans la formation de notre jeunesse aux gestes et comportements qui sauvent.

Il nous faut encore poursuivre cet effort et mobiliser l’ensemble du corps social pour atteindre votre objectif de former 80% de la population à ces gestes : les sapeurs- pompiers de France restent pleinement mobilisés pour cette cause.

 

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Quatrième axe du quinquennat : rénover les formes d’engagement.

Les sections de jeunes sapeurs-pompiers sont, pour leurs 29 000 pensionnaires, une formidable école de la vie, de la citoyenneté et du savoir-faire sapeurs-pompiers.

Elles sont un magnifique lieu de brassage, d’ouverture et d’intégration pour nos jeunes de toutes origines et de toutes conditions.

Leur développement doit, par conséquent, être encouragé.

Par des incitations, y compris financières, à la création de sections dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Ou par des mesures de reconnaissance, comme la participation de jeunes-sapeurs- pompiers au défilé du 14-Juillet sur les Champs-Elysées.

Ou encore, l’instauration d’une équivalence pour la mission d’intérêt général et la période d’engagement du service national universel.

Car en effet, ces deux dispositifs ont pour objectif commun de développer une société del’engagement, dont l’activité de sapeur-pompier volontaire constitue l’une des plus nobles expressions.

 

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Le Président de la République l’a perçu d’emblée, en faisant de la défense farouche du volontariat, pilier de notre modèle, le cinquième dessein de son quinquennat pour la sécurité civile.

Il l’a dit haut et fort en 2017 : le volontariat n’est ni du salariat, ni du bénévolat.

Il doit donc être vigoureusement défendu contre ceux qui veulent sa mort à travers son assimilation par les tribunaux à un travailleur au sens du droit européen.

Laquelle signerait la mort de notre modèle de secours, la fin de notre capacité de montée en puissance face aux crises, et serait un bien mauvais signal envoyé alors que nous devons, plus que jamais, bâtir des sociétés inclusives et une Europe protectrice de ses peuples.

Nous attendons donc du dialogue de haut niveau engagé avec la Commission européenne qu’il débouche rapidement sur une lettre reconnaissant clairement la compatibilité du modèle français de volontariat avec la directive de 2003 sur le temps de travail.

Mais il n’y a plus de temps à perdre.

L’Union européenne doit doter ses citoyens désireux de s’engager, de façon libre et désintéressée, au service d’une cause d’intérêt général d’un cadre juridique incitatif et protecteur

A l’heure où le Gouvernement veut renforcer dans notre jeunesse les valeurs de citoyenneté et d’engagement et que notre pays a choisi de faire de ce thème la priorité de la présidence française du Conseil début 2022, fixons-nous aujourd’hui l’objectif du vote d’une telle directive à cette échéance !

Les 196 000 sapeurs-pompiers volontaires de France, et au-delà les 3 millions et demi de sapeurs-pompiers volontaires européens, attendent cet engagement.

 

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Sixième et dernier axe pour la préservation de notre modèle de sécurité civile : ouvrir un nouveau cycle et déployer un plan innovant et ambitieux pour le volontariat.

Un plan gouvernemental d’action a été adopté pour les années 2019-2021 et sa déclinaison initiée sous l’égide du Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires et de sa présidente Catherine TROENDLE, que nous remercions très chaleureusement pour son inlassable énergie.

Cependant, les résultats concrets restent encore bien timides.

Les témoignages de reconnaissance envers nos volontaires n’étaient déjà guère nombreux et se limitaient à quelques médailles dans les ordres nationaux et ministériel.

Est-ce l’effet du réchauffement climatique ? Ces promotions ont fondu comme neige au soleil !

Alors, de grâce : évitons tout signal négatif, comme celui qui consisterait à exclure systématiquement les officiers de sapeurs-pompiers volontaires du commandement de tout centre mixte.

Comment prétendre vouloir rendre attractif l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires, en les empêchant d’accéder aux responsabilités et en les cantonnant à un rôle supplétif ?

Alors, oui : une relance politique est nécessaire ! Oui, notre ambition de sécurité civile a plus que jamais besoin de l’impulsion présidentielle !

Par l’annonce d’un appui de l’Etat à la campagne de communication et de recrutement que nous avons élaborée en partenariat avec le ministère de l’Intérieur, l’ADF et l’AMF.

Par un soutien de l’exécutif à la proposition de loi de Fabien MATRAS et Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, dont l’ambition majeure est de soutenir et valoriser l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires.

 

La cosignature de ce texte par quelque 400 députés de toute appartenance partisane traduit le très large consensus de la représentation nationale sur l’opportunité de légiférer. Merci aux groupes d’opposition, chers Arnaud VIALA, Valérie RABAULT et André CHASSAIGNE, pour leur esprit constructif.

Nous attendons du Président de la République un double engagement.

Tout d’abord, sur son examen au plus vite par l’Assemblée nationale et son adoption par le Parlement avant le terme de ce quinquennat.

Et sur le fond, un appui aux nombreuses mesures concrètes proposées pour favoriser, renforcer, protéger -notamment en matière sociale- et reconnaître cet engagement.

Même si bien entendu des améliorations peuvent encore lui être apportées par voie

d’amendements, pour notamment :

Reconnaître nos formations au titre de la formation professionnelle continue;

Etendre à toutes les opérations de secours l’attribution de la qualité de pupille de la nation aux enfants de sapeurs-pompiers tués en intervention, et compléter ainsi leur prise en charge par notre Œuvre des Pupilles;

Ou encore créer un mécanisme universel d’exonération fiscale ou sociale pour les employeurs de sapeurs-pompiers volontaires en remplacement des mécanismes existants, trop complexes et insuffisammentincitatifs.

L’accord du Gouvernement est naturellement indispensable sur tous ces sujets. C’est ce que nous réclamerons au Président.

Mais tous les yeux, toutes les oreilles, dans cette salle et au-delà dans toutes les casernes et foyers de sapeurs-pompiers volontaires, sont tendus vers la même attente.

La disposition majeure de cette proposition de loi prévoit l’octroi de bonifications de retraite après 10 ans d’engagement dans un double but de fidélisation et de reconnaissance.

Le Président de la République l’a lui-même évoquée à plusieurs reprises. Nous la demandons, nous l’espérons depuis 40 ans.

Elle était jusqu’alors rendue impossible par la diversité de nos régimes de retraite.

La création amorcée d’un régime universel lève cet obstacle et doit permettre de concrétiser ce grand progrès social.

Alors, nous lui demanderons que la solidarité nationale s’exprime envers les hommes et les femmes qui exercent cette forme d’engagement à nulle autre pareille…

… comme il est prévu qu’elle se déploie pour les sportifs de haut niveau et les volontaires du service civique !

Nous attendons qu’à défaut d’aboutissement de cette réforme, l’Etat soutienne la revalorisation de la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance versée aux sapeurs-pompiers volontaires !

 

*

 

Les sapeurs-pompiers émanent de la Nation et dépendent, pour leur gestion, des collectivités territoriales.

Cette hybridité, parfois complexe à saisir pour certains esprits trop cartésiens, fait à la fois, vous l’avez parfaitement compris, l’originalité et la force de notre modèle de secours.

Cette même force qui se déploie quand côte à côte, professionnels, volontaires ou militaires, les sapeurs-pompiers agissent pour lutter contre le feu, sauver une vie ou faire face à une catastrophe.

Et qui fait qu’ensemble, vous toutes et vous tous, citoyens ordinaires, vous vous transcendiez et accomplissiez des choses extraordinaires.

Vous êtes les héros du quotidien.

Ancrés dans vos territoires, l’essence même de vos missions est régalienne et le sens de votre engagement profondément républicain.

Vous attendez donc de l’Etat et de son chef qu’il trace la voie.

Qu’il fixe le cap d’une ambition modernisatrice et des mutations nécessaires.

Pour préserver notre modèle de sécurité, et permettre de répondre aux enjeux de notre époque.

C’est ce que nous porterons devant lui, humblement, fidèlement et déterminés, mercredi 21 octobre prochain, à 18h00, dans son bureau, à l’Elysée.

 

Vive les sapeurs-pompiers de France. Je vous remercie.

Discours de clôture de l'assemblée générale de la FNSPF, prononcé par Grégory Allione le 16 octobre 2020 à Paris.

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