Non, les volontaires ne sont pas des travailleurs mais des citoyens engagés!

Opérationnel - Le 27 septembre 2018

[MAG] Transposer la Directive européenne sur le temps de travail –DETT– en France signerait la fin du volontariat comme engagement citoyen. Un scénario qui fait réagir la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France.

Non, les volontaires ne sont pas des travailleurs mais des citoyens engagés

Elle appelle à la mise en chantier d'une nouvelle directive européenne spécifique aux forces de sécurité et de secours d'urgence. La Directive européenne sur le temps de travail, dite DETT, s'est en effet imposée ces derniers mois comme un des principaux motifs d'inquiétudes au sein de la communauté des sapeurs-pompiers. Une épine irritative qui n'est pas nouvelle puisqu'elle date de 2003, mais qui vient d'être remise sur le devant de la scène de façon spectaculaire par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), en février dernier. Devant statuer sur un contentieux opposant un sapeur-pompier volontaire nommé Matzak à la commune belge de Nivelles, à propos de la rémunération de son service d'astreinte, la Cour de travail de Bruxelles a décidé de s'interroger sur l'applicabilité de la DETT sur sa situation. Pour ce faire, elle a saisi la CJUE, qui a fini par conclure que les sapeurs-pompiers volontaires sont assimilables à des «travailleurs». Un arrêt qui a eu l'effet d'un séisme chez les sapeurs-pompiers. Car si aucune procédure de mise en demeure n'a été engagée contre la France jusqu'à aujourd'hui pour non-conformité avec la DETT, la menace est désormais palpable.

Lutter contre la fin du modèle altruiste du volontariat

Lors de la rencontre du 27 septembre 2018 au matin sur «le management de la ressource», ce point de crispation et d'inquiétude a été largement débattu.
David Dechenaud, doyen de la faculté de droit de Grenoble et lui-même sapeur-pompier volontaire (SPV), en a détaillé les raisons. «Les règles de la directive relative aux périodes minimales de repos journalier et à la durée maximale moyenne de travail hebdomadaire, si elles sont appliquées aux SPV, mettent en cause le modèle de sécurité civile français. Cela signifie concrètement qu'un volontaire qui finit son activité professionnelle doit bénéficier d'un repos journalier de 11 heures avant de pouvoir se trouver à nouveau en situation de travail, et donc potentiellement en situation opérationnelle. Ce qui va conduire, si on devait appliquer cette logique dans notre système, à des difficultés managériales extrêmement importantes.»
Durant tout l'été, la FNSPF a alerté l'ensemble du réseau fédéral pour que les élus dans les territoires soient sensibilisés aux impacts prévisibles de cette épée de Damoclès. Pour la Fédération, la transposition de cette DETT ne peut être envisageable; et la volonté d'abord affichée de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) de réfléchir aux modalités de sa déclinaison est synonyme de fausse route: «Tout processus de transposition ne pourrait que conduire les responsables des sapeurs-pompiers qu’à anticiper cette évolution et à se prémunir contre tout risque contentieux en imposant des règles de repos quotidien (11 heures) et hebdomadaire (24 heures) de sécurité aux SPV, précipitant la fin du modèle altruiste du volontariat comme forme d’engagement.»

Pour la rédaction d'une nouvelle directive européenne

Quelles sont les perspectives préconisées par la FNSPF? Les mêmes que celles détaillées par 254 sénateurs français dans une motion adressée ce 27 septembre au président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. En tant que présidente du Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires (CNSPV) et membre de la Mission volontariat, c'est la sénatrice Catherine Troendlé qui en est à l'initiative, avec le sénateur de la Haute-Loire, Olivier Cigolotti, secrétaire des Affaires étrangères du Sénat. Cette motion appelle à préserver l'engagement volontaire des sapeurs-pompiers et donc à rejeter la qualification des volontaires en tant que «travailleurs» au sens de la DETT.
La motion précise qu'«une éventuelle extension de l'application de cette jurisprudence aux sapeurs-pompiers français [...] remettrait complètement en question les dispositions de la loi française (du 20 juillet 2011 relative à l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique) selon laquelle «l'activité de sapeur-pompier volontaire qui repose sur le volontariat et le bénévolat n'est pas exercée à titre professionnel mais dans des conditions qui lui sont propres», «ni le Code du travail ni le statut de la fonction publique ne lui [étant] applicables.»
Dominique Turc et Grégory Allione, vice-présidents de la FNSPF, ont fait référence à cette initiative forte des sénateurs pour rappeler, face aux représentants de la DGSCGC, l'importance de mettre en chantier au niveau européen la rédaction d'une nouvelle directive propre aux forces de sécurité.
Objectif: renforcer l'engagement citoyen de celles et ceux qui interviennent de façon altruiste avec un sens aigu du service public de proximité. Reste à espérer que le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, entendra les enjeux de ce message en venant samedi apporter aux sapeurs-pompiers des annonces et initiatives de nature à les rassurer sur cette situation.

Texte : Hugues Demeude
Photos : Patrick Forget / Stéphane Gautier

Non, les volontaires ne sont pas des travailleurs mais des citoyens engagés

Partager cet article :