Pour construire une Europe qui protège et pérenniser les secours d’urgence, l’Union européenne doit préserver l’engagement altruiste de sapeur-pompier volontaire.

Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France - Le 08 novembre 2018

[COMMUNIQUE DE PRESSE] Depuis 2005, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) demande à ce que le système de secours d’urgence français, basé à plus de 80% sur les sapeurs-pompiers volontaires, ne soit pas remis en cause par la directive européenne de 2003 sur le temps de travail.

Exprimée le 29 septembre au congrès de la FNSPF, la position du gouvernement sur le sujet a été réaffirmée au Parlement par le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner. De même, le 23 octobre dernier, le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, a déclaré en séance publique au Sénat, refuser que le modèle de secours français « qui repose sur l’engagement de femmes et d’hommes sapeurs-pompiers volontaires notamment » soit « remis en cause » par cette directive européenne et annoncé une initiative gouvernementale auprès de l’Union européenne à cette fin.

Aujourd’hui, face au nouveau contexte de menaces, la FNSPF souhaite l’émergence d’une directive européenne spécifique, dédiée aux forces de secours d’urgence et de sécurité et salue l’annonce d’une initiative gouvernementale pour protéger le volontariat des pompiers au niveau européen. Les sapeurs-pompiers de France restent toutefois préoccupés quant à la forme et au calendrier de cette initiative.

Un système de secours d’urgence basé sur des femmes et des hommes engagés en tant que volontaires

Le système de secours d'urgence français repose sur quelque 247.000 sapeurs-pompiers, femmes et hommes, présents en ville comme en campagne les plus reculées et qui sont à 80% des volontaires effectuant souvent ces missions en plus de leurs activités professionnelles.

Or, par un arrêt rendu le 21 février dernier concernant un sapeur-pompier volontaire belge, la Cour de justice de l’Union européenne considère le temps de volontariat des sapeurs-pompiers comme du temps de travail au sens de la directive de 2003. En conséquence, la très grande majorité des sapeurs-pompiers volontaires exerçant par ailleurs une activité professionnelle seraient conduits, en cumulant les deux activités, à dépasser les limites du temps de travail autorisé (13 heures par jour, 48 heures par semaine) et contraints de mettre un terme à leur engagement au service de la population.

Ce texte européen menace donc l'ensemble du modèle de sécurité civile, selon la FNSPF, qui souhaite que le gouvernement agisse pour que le temps de volontariat des pompiers en soit exclu, cette activité relevant d’un engagement citoyen, altruiste et généreux, et non d’un travail. « Il est en totale opposition avec la société de résilience et d’engagement souhaitée par le Président de la République. Les secours en France sont le dernier service public de proximité ; ils répondent à une mission essentielle de solidarité sociale dans nos territoires », explique Grégory Allione, Président de la FNSPF.

Au-delà de la sécurité civile, cette menace met en péril la continuité de l’engagement de l’ensemble de celles et ceux qui agissent de manière altruiste au profit de leurs citoyens, que ce soit dans le cadre associatif, sportif, éducatif ou institutionnel (élus locaux ; réservistes opérationnels de la police et de la gendarmerie…), dont le temps d’engagement n’est pas à cette heure compatibilisé comme du temps de travail.

Une directive européenne datée de 2003

"Les temps ont changé depuis 2003", a expliqué à l'AFP M. Allione pour justifier la nécessité d'exclure le volontariat pompier de la directive européenne. "En 2003, on voulait, justement, limiter le temps de travail pour protéger les travailleurs salariés menacés par la déréglementation et le syndrome du +plombier polonais+".

"Aujourd'hui, les menaces imprévisibles sont multiples, du dérèglement climatique au terrorisme, et on a besoin de pouvoir mobiliser rapidement et en masse, 24h sur 24 et 365 jours par an, des forces de secours et de sécurité pour y faire face. Pour cela, l’engagement volontaire de citoyens aux côtés des acteurs professionnels est indispensable", a ajouté le président de la FNSPF.

Le système de secours en France basé sur la mixité entre sapeurs-pompiers professionnels et volontaires permet d’assurer :

  • Un service public de proximité dans tous les territoires
  • Une équité territoriale des secours pour nos concitoyens
  • Une diversité des profils et des compétences nécessaires à l’exercice de nos missions
  • Une capacité de montée en puissance en cas de crises (cf. par exemple les renforts d’autres départements lorsque l’Aude a été touchée en octobre par de fortes intempéries).

Focus chiffres :

  • 79% des effectifs sapeurs-pompiers en France sont SPV (194 000 sur 247 000) - 96% des effectifs du SSSM
  • 81% des centres de secours sont exclusivement composés de SPV
  • 66% du temps d'intervention sont effectués par des SPV pour un coût estimé de 19,7% du budget des SDIS
  • 11 ans et 8 mois d'ancienneté en moyenne 
  • 34 ans d'âge moyen
  • Seulement 17,1% (33 000) sont des femmes - 47,5% pour le SSSM
  • 45% (18 000) des SPP sont aussi SPV
  • 30 à 40% des engagements sont stoppés dans les 5 premières années 

Source : Statistiques DGSCGC (éd. 2017)

Des prises de position en France

Le 27 septembre dernier, le ministre de l’Intérieur faisait part devant les sénateurs d’une initiative politique de l’Etat auprès de l’Union européenne pour protéger les sapeurs-pompiers volontaires de la directive européenne sur le temps de travail tout en protégeant les citoyens face aux crises.

La motion Engagement libre, altruiste et généreux, le sapeur-pompier volontaire ne doit pas devenir un travailleur, co-signée par 254 des 348 sénateurs la veille, à l’initiative de Mme Catherine TROENDLE, Vice-présidente du Sénat* et de M. Olivier CIGOLOTTI, sénateur de la Haute-Loire, à M. Jean-Claude JUNCKER, président de la Commission européenne, demande la mise en chantier rapide, d’ici la fin de l’actuelle mandature de la Commission et du Parlement européen en mai 2019, d’une directive spécifique aux forces de sécurité et de secours d’urgence.

*Egalement présidente du Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires et vice-présidente de la Conférence nationale des service d'incendie et de secours

La commission des affaires européennes du Sénat rendra le 15 novembre un avis politique sur le cadre juridique des sapeurs-pompiers volontaires.

Avant hier, lors de l’examen à l’Assemblée Nationale des crédits de la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2019, des députés ont exprimé « leur inquiétude quant à la pérennité de notre modèle de sécurité civile, véritable référence internationale, mais qui doit aujourd’hui faire face à des menaces fortes », affirme Eric Ciotti, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Sarah El Haïry, rapporteure spéciale de la commission des finances, a de son côté alerté sur le coût insoutenable pour les finances publiques (2,5 milliards d’euros) de la professionnalisation totale des services d’incendie et de secours nécessaire pour maintenir le niveau de protection des populations en cas d’application de la DETT aux sapeurs-pompiers volontaires.

Ces initiatives parlementaires font écho à l’inquiétude exprimée par de nombreuses collectivités territoriales à travers l’adoption de motions.

 

Un enjeu qui concerne également d’autres pays européens

L’inquiétude et la problématique ne sont pas que françaises. Nombreux sont nos voisins européens dont le modèle de secours repose sur le volontariat : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne, la Croatie, la Slovénie ou la République Tchèque…

« Désormais plane à nouveau une menace de "mort des services d'incendie volontaires », a expliqué le Dr Christoph Weltecke, vice-président des sapeurs-pompiers allemands à Edertal-Gilflitz lors de la réunion des pompiers de district de Waldeck-Frankenberg en mars 2018.

Pour établir une ligne commune avec nos confrères européens également mobilisés et inquiets, les fédérations allemande, autrichienne, française et européenne de sapeurs-pompiers ont adopté le 26 octobre dernier une motion commune qui sera proposée à la signature des fédérations d’autres Etats-membres le 24 novembre, et adressée à l’Union européenne et aux parlementaires européens de chaque signataire.

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