Un scanner mobile pour les SP allemands

Santé - Le 14 novembre 2017

[MAGAZINE] Depuis 2010, le véhicule Stemo accompagne les interventions des équipes de secours berlinoises lors des prises en charge d’accidents neurologiques. à la pointe de la technologie médicale en la matière, il ouvre la voie vers un service d’urgence plus adapté.

Ambulance

La présentation de ce véhicule très particulier s’impose car il témoigne de la qualité de certaines missions remplies par les sapeurs-pompiers allemands dans le domaine des secours médicaux urgents et non urgents, et du rôle joué par l’État fédéral et le Land de Berlin dans le financement des services d’incendie et de secours. Au début des années 2010, considérant les risques très particuliers présentés par les détresses neurologiques, l’État fédéral allemand et le Land de Berlin décident de doter les services d’incendie et de secours de la ville d’une ambulance dénommée Stemo pour « Stroke-Einsatz-Mobil ». Ce véhicule est spécifiquement conçu pour effectuer en temps réel la prise en charge d’une victime présentant des troubles neurologiques graves et procéder à la réalisation d’un scanner cérébral directement sur les lieux de l’intervention . Il est capable de réaliser des analyses bio-sanguines à l’aide du laboratoire mobile implanté et d’analyser les résultats en les associant à l’expertise à distance d’un neurochirurgien par le biais d’une télé-médicalisation. Il peut ainsi transmettre au neurologue de l’hôpital cible le diagnostic pour lequel il aura à prendre des décisions médicales.

État des lieux

Annuellement, en Allemagne, environ 300 000 personnes – dont 12 000 pour la seule ville de Berlin – sont victimes d’accidents vasculaires cérébraux. Leurs conséquences sont bien connues. Conscientes du fait que la détection précoce et le traitement rapide des AVC sont des facteurs essentiels pour la survie des victimes, les autorités fédérales ont décidé d’acquérir et de mettre en service un concept d’ambulance mobile permettant l’emport d’un scanner neurologique (tomographe2). Des tests de longue durée ont mis en lumière une amélioration notable de la prise en charge des patients accompagnée d’un gain de temps moyen de 25 min sur la conduite des thrombolyses sur les AVC ischémiques ; une augmentation très significative du nombre de victimes thrombolysées – environ + 50 % – est le gage de dégâts cérébraux moindres et d’une meilleure récupération à terme. Le coût de ce premier Stemo est de l’ordre du million d’euros. Lors de la prise d’appel, l’opérateur du CTA utilise un algorithme très précis qui permet, si le délai d’apparition des symptômes est inférieur à 4 heures, d’engager la RTW3 la plus proche ainsi que le Stemo. En fonction des premiers éléments décelés, le patient est pris en charge, soit dans une filière spécialisée en neurologie, soit au sein de la chaîne de santé classique.

Ambulance

Description du Stemo

Offrant un PTAC de 7,5 tonnes, le châssis porteur est doté d’une puissante motorisation. Sa cabine de conduite est dimensionnée pour accueillir l’ensemble de l’équipage composé de quatre personnels, dont un médecin urgentiste spécialisé en neurologie, un paramédical formé à l’utilisation de l’unité scanner mobile et deux sapeurs-pompiers (un assistant sanitaire et un conducteur). Accessible par deux portes, la cellule arrière est organisée en deux volumes qui accueillent, pour le premier, la victime et le scanner embarqué et, pour le second, sur le côté droit de la victime, l’espace de commande du scanner. Une porte de cloison mobile sépare les deux volumes et sert à protéger le manipulateur radio des rayonnements du scanner. Plusieurs écrans permettent au médecin urgentiste d’interpréter instantanément les clichés pour définir la véracité de l’accident vasculaire cérébral et son origine (ischémique ou hémorragique). Un laboratoire sanguin embarqué permet de réaliser des analyses sanguines de manière instantanée. Des matériels de réanimation sont également présents. Si les premiers diagnostics l’imposent, des traitements médicaux immédiats permettent de dissoudre les caillots qui obstruent les vaisseaux sanguins. Un dispositif de télémédecine relié à l’une des 14 unités neurologiques de la ville de Berlin permet au médecin urgentiste d’échanger avec un neurochirurgien si cela s’avère nécessaire.

Les enjeux

Les budgets mis à disposition du corps de sapeurs-pompiers de Berlin sont conséquents et s’inscrivent parfaitement dans une logique économique globale, car aux yeux des décideurs politiques, la rentabilité de ce corps et de ses moyens est très largement prouvée.Malgré une vielle croyance qui consiste à penser que les sapeurs-pompiers allemands ne participent pas ou peu aux missions de secours aux personnes, la puissance technique de ce véhicule témoigne de l’avance considérable de nos collègues outre-Rhin. À l’issue de cette expérience, le premier véhicule Stemo ne couvrait qu’un tiers des 3,5 millions d’habitants que compte Berlin. Les autorités ont donc décidé de mettre en service un second véhicule et de projeter l’acquisition d’un troisième pour couvrir l’intégralité de l’agglomération berlinoise. Au moment où, dans nos départements, des batailles s’engagent pour conserver l’implantation d’un scanner hospitalier, n’est-il pas opportun de s’interroger, une nouvelle fois, sur les raisons culturelles, sociales et opérationnelles qui conduisent les autorités politiques allemandes à adopter une ligne de conduite totalement inverse ?

Texte capitaine C. Poisson1
Photos capitaine C. Poisson ; Feuerwehr Berlin ; société Meytec

1. Officier professionnel, chef du CSP Avranches (50).
2. La tomographie est une technique de reconstitution très utilisée dans l’imagerie médicale, ainsi qu’en géophysique, en astrophysique et en mécanique des matériaux. Cette technique permet de reconstruire le volume d’un objet à partir d’une série de mesures effectuées par tranche depuis l’extérieur de cet objet.
3. Le « Rettungswagen » est un VSAV paramédicalisé.

Quelques commentaires

Clairement, avec la mise en service des Stemo, les services d’incendie et de secours (SIS) de Berlin innovent en montrant qu’ils sont à même de maîtriser des technologies médicales jusqu’à maintenant confinées dans les hôpitaux. Naturellement, dans cette nouvelle aventure, ils sont associés à des scientifiques de haut niveau appartenant à une industrie de pointe, à l’université et à la recherche médicale. Mais l’article montre une nouvelle fois les écarts pouvant exister en Europe dans l’étendue des missions confiées aux SIS. Il y a quelques années, dans une étude qu’il consacrait aux véhicules d’incendie et de secours, l’auteur André Horb écrivait : « L’énergie que les peuples consacrent à leur défense et à la protection de leurs biens face aux risques d’incendie est une composante de leur niveau de civilisation. » Appliquant ce constat essentiel aux secours médicaux d’urgence, nous nous interrogeons sur leur privatisation masquée qui s’installe un peu partout dans notre pays et, à l’opposé, sur les raisons qui conduisent les plus hautes autorités de la ville de Berlin à confier aux sapeurs-pompiers une nouvelle mission d’excellence opérationnelle ! Pour compléter la lecture de l’article signé par le capitaine C. Poisson, nous renvoyons à l’étude publiée sous le titre STEMO – ein Forschungsprojekt im Wettlauf mit der Zeit, in Brandschutz (n° 4, 2011, pages 272 à 274). Signée par S. Kaczmarek, R. Kautz et A. Baumann, elle décrit les logiques médicales, économiques et opérationnelles qui ont précédé et accompagné le projet de recherche Stemo.

Colonel (er) J.-F. Schmauch


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