Quelles sanctions pour des appels abusifs aux CTA ?

Institutionnel - Le 17 mai 2019

[Magazine] Les appels malveillants ou les fausses alertes sont des fléaux auxquels sont confrontées toutes les plates-formes qui reçoivent des appels d’urgence, qu’il s’agisse du « 112 », du « 18 », du « 15 » ou encore du « 17 ». Quelles sanctions sont prévues ?

Quelles sanctions pour des appels abusifs aux CTA ?

En droit, il faut distinguer plusieurs situations : les alertes inutiles, les fausses alertes et les appels malveillants ne sont pas soumis au même régime juridique.

Alertes inutiles

La sollicitation inutile est le cas où le requérant appelle les sapeurs-pompiers (par exemple) pour un motif qui ne le justifie pas. Aucune sanction n’est alors prévue par le droit car il n’y a pas d’intention de nuire. D’une certaine manière, l’appel est bien abusif, mais le requérant n’en a pas conscience. D’ailleurs, il est souvent difficile pour lui de savoir si la raison de son appel justifie vraiment une intervention : il appartient au service d’en décider. De plus, aucun appel ne ressemble à un autre : le requérant peut composer le « 18 » pour un motif qui ne relève pas (ou plus) des missions assurées à titre gratuit par les services de secours, un autre peut téléphoner pour une levée de doute (fumée suspecte, sonnerie d’un détecteur autonome de fumée, recherche d’une personne ne répondant pas aux appels, etc.). Si une même personne sollicite ainsi très régulièrement le service inutilement, un courrier méritera de lui être adressé, afin de lui rappeler les missions qui sont celles du service et celles qui n’en relèvent pas. Si, malgré ce courrier, le requérant persiste, alors l’appel pourra être qualifié de malveillant.

Fausses alertes

Le cas des fausses alertes est très différent. Il s’agit du requérant qui compose le « 18 » pour porter à la connaissance de l’opérateur un sinistre qui est imaginaire, dans le but de déclencher les secours. Les mobiles de l’appelant sont variables : intention de nuire, volonté d’assister au déploiement des engins de secours, dispersion des moyens pendant qu’un autre sinistre, bien réel, est causé, souvent par l’appelant lui-même (pyromane), etc. L’article 322-14 du Code pénal punit de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende la personne qui communique ou divulgue une fausse information faisant croire à un sinistre et de nature à provoquer l’intervention inutile des secours. Le texte n’exige pas que l’intervention ait vraiment eu lieu : il suffit que l’appel soit « de nature à » provoquer cette intervention. Le service pourra, de plus, demander réparation du préjudice qui lui a été ainsi causé. De nombreuses décisions sont rendues par les tribunaux sur ce fondement, au sujet de fausses alertes à la bombe. Les tribunaux ont aussi rencontré le cas de l’annonce mensongère d’un suicide, ou encore du tir d’une fusée de détresse par simple curiosité. Les peines réellement prononcées sont généralement avec sursis ou de quelques mois de prison ferme. Si l’auteur des faits est un sapeur-pompier, les peines sont plus sévères. Prenons un exemple bien réel : un sapeur-pompier volontaire, en raison de difficultés financières et pour augmenter les indemnités qu’il perçoit, mobilise les secours sur un incendie fictif afin de pouvoir agir tranquillement en un autre lieu. Une peine ferme de plusieurs années a été prononcée contre lui (CA Montpellier 4 févr. 2004 : Jurisdata n° 2004-248737).

Appels malveillants

Le Code pénal réprime, enfin, de manière distincte, les appels malveillants. L’article 222-16 punit d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ces appels lorsqu’ils sont réitérés et destinés à nuire. Ainsi, une personne qui submerge le standard du CTA d’appels voués uniquement à en perturber le fonctionnement commet l’infraction. Par exemple, a été condamnée une prévenue ayant appelé 80 fois le « 17 » au cours d’une seule nuit dans le but, selon ses dires, d’entendre la voix « sensuelle » de l’opérateur (CA Amiens, 18 juill. 2007 : JCP G 2008, IV, 1075) ! Peu importe que les appels ne soient pas injurieux ou outrageants, dès lors qu’ils perturbent intentionnellement le fonctionnement du service d’urgence. Cette infraction peut aussi s’appliquer en cas de SMS malveillants envoyés au « 114 ».

Par David Dechenaud
Photos Lionnel Maitre


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