NexSIS, un logiciel national pour les centres d’appels d’urgence

Opérationnel - Le 27 septembre 2018

[MAG] Déployé dès 2021, NexSIS permettra une gestion des alertes et une gestion opérationnelle qui prennent en compte les nouveaux usages numériques tout en assurant l'interopérabilité entre les acteurs du secours et de la sécurité.

Un logiciel national pour les centres d’appels d’urgence

«Depuis 2016, nous avons parcouru du chemin car nous sommes passés de l'étude et de la préfiguration à la phase de réalisation.» En dressant, au congrès national des sapeurs-pompiers de France de Bourg-en-Bresse (Ain), un bilan d'étape du développement du projet NexSIS, le préfet Guillaume Lambert, directeur de la mission de préfiguration de ce programme, était confiant quant au respect du calendrier, c'est-à-dire un lancement en 2021.

Projection dans l'ère du digital

Le chantier est pourtant ambitieux pour la mise en place de ce qu'il décrit comme «une plate-forme digitale des secours». Le système NexSIS a en effet vocation à remplacer les systèmes de gestion de l'alerte et de gestion opérationnelle des services d'incendie et de secours de manière à les «projeter dans l'ère du digital».
Lors de ses vœux à la sécurité civile, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb souhaitait lui aussi que le modèle français de sécurité civile entre «pleinement dans le XXIe siècle» grâce à NexSIS dont il annonçait le déploiement «dans tous les Sdis à partir de 2021».

«Vœux du ministre de l’Intérieur à la Sécurité civile», 15 janvier 2018

Nouveaux usages

Concrètement, pour la population, cela signifiera notamment une prise en compte de ses nouveaux usages et outils informatiques. Applications pour Smartphones, réseaux sociaux, mais aussi objets connectés et mails pourront ainsi être pris en compte par NexSIS. De leur côté, les services d'incendie et de secours (SIS) disposeront d'un système partagé de gestion des alerte et des opérations, intégré dans toute la chaîne de sécurité civile, et interopérable avec leurs partenaires (Samu, police et gendarmerie nationale, polices municipales, associations agréées de sécurité civile, opérateur d'importance vitale).
Pour les sapeurs-pompiers, le partage des informations de tout type entre le terrain et le Codis lors des interventions sera facilité, tout comme la déclaration de leur disponibilité, le suivi des plannings et leur mobilisation. Autres bénéficiaires de la puissance des outils modernes, les opérateurs des centres de traitement de l’alerte travailleront désormais dans des «centres de traitement des communications», explique Guillaume Lambert, qui se félicite de la «capacité multimédia de traitement des appels». Certains outils seront également disponibles, comme l'«Advanced mobile location» (AML), qui permet d'envoyer automatiquement au service de secours la géolocalisation de l'appelant lorsqu'il compose un numéro d'urgence.
Par ailleurs, ajoute Guillaume Lambert, l'arbre de décision qui est intégré dans les versions en cours de test est «celui qui permet de définir en commun les situations d'urgence. Quand, demain, nous qualifierons un événement dans NexSIS, nous  allons employer les mêmes termes et les mêmes codages que nos partenaires. Quand nous recevrons un événement, il sera qualifié de la même façon.»

Soutien entre Sdis

Cette interopérabilité est l'un des grands enjeux de NexSIS. Au sein de la sécurité civile, elle permet que les Sdis puissent se renforcer en cas de pic d'activité ou tout simplement collaborer plus facilement, en cas, par exemple, de sinistres importants nécessitant l'intervention de plusieurs d'entre eux. Cela permet également la reprise des activités par un autre site en cas de perte d'une plate-forme de traitement.
Enfin, toute la chaîne opérationnelle et hiérarchique pourra disposer d'informations en temps réel grâce à la remontée d’infos aux niveaux zonal et national.
Par ailleurs, la possibilité de partager avec les partenaires extérieurs est intégré à NexSIS dès sa conception et il est immédiatement prêt à gérer le numéro unique 112.

Projet collaboratif

Pour monter ce projet conçu «par les sapeurs-pompiers, pour les sapeurs-pompiers», comme le revendique la plaquette de présentation du programme, les équipes du préfet Lambert se sont lancées dans un tour de France des responsables des zones de défense et de la quasi-totalité des Sdis (un seul manque à l'appel!).
Vingt-quatre de ces derniers et quatre-vingts sapeurs-pompiers ont été associés aux échanges pour établir les spécifications précises de NexSIS.
Ce travail collaboratif a porté ses fruits: un questionnaire adressé aux Sdis afin de mesurer leur adhésion au projet a montré qu'au 26 septembre, sur les 93 réponses reçues, 96% étaient favorables à l'utilisation de NexSIS, et qu'ils souhaitaient un déploiement avant 2023 pour 52% d'entre eux.

Attendue sous peu, la prochaine étape du projet NexSIS est la création de l'Agence du numérique de la sécurité civile qui va être «le vecteur de la conduite de ce projet nouveau mais dans la continuité de ce que l'on a pratiqué, c'est-à-dire une interaction entre les Sdis et la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises», explique Guillaume Lambert. Le décret qui crée cette agence a reçu un avis favorable du Conseil d'Etat et est en ce moment à la signature dans les ministères concernés.

Non obligatoire ou presque

Le déploiement de NexSIS se fera sur la base du volontariat avec une nuance de taille. Les SIS pourront choisir de ne pas migrer sous NexSIS tant qu'ils restent sur leur système. Pour tout renouvellement, le droit exclusif limité qui va être conféré à l'Agence les obligera à basculer sur le nouveau système.
L'étude de faisabilité avait montré que, de 2019 à 2023, 80% des systèmes en service dans les SIS seront proches de leur fin de cycle de vie.

Inquiétudes des fournisseurs

Cette fin annoncée des logiciels locaux n'est, sans surprise, pas vue d'un bon œil par les quatre PME qui se partagent aujourd'hui le marché du logiciel de traitement de l'alerte. Sur chacun de leurs stands du congrès de Bourg-en-Bresse, Systel, SIS, IMPI et Somei Hexagon affichent ainsi un panneau «Partenaire Qualisis» qui renvoie à un site Internet qu'ils ont créé pour l'occasion.

Le 18 et le 112 répondront-ils toujours demain ?

Cette discrète manifestation leur permet de faire valoir leurs arguments selon lesquels le déploiement de NexSIS, d'une part met en danger les emplois de leurs 250 salariés et, d'autre part, laisse planer des doutes sur la continuité du service lors de la migration.
Pour Guillaume Lambert, le maintien du service jusqu'au déploiement de NexSIS relève de leur responsabilité contractuelle. Pour assurer une solution de repli lors de la migration, une version basique de NexSIS a été prévue pour pallier des problèmes techniques éventuels.

Qui paye?

Dernière question d'importance posée par NexSIS , celui du coût du système. L'un des objectifs de NexSIS est en effet de réaliser des économies. «Nous devons aller vers un système unifié d'information et de gestion des alertes pour des raisons qui sont tout à la fois budgétaires et opérationnelles -il y a plusieurs centaines de millions d'euros à économiser sur ce sujet-, je souhaite que nous puissions coordonner le travail pour avoir un système unifié beaucoup plus opérant et beaucoup moins coûteux, assurait ainsi le président de la République Emmanuel Macron, le 6 octobre, sur ce sujet.

«Remerciements aux forces mobilisées sur les feux de forêts et ouragans», discours d'Emmanuel Macron

Pour financer et assurer le fonctionnement de leurs système de gestion de l'alerte et de gestion opérationnelle, les SIS dépensaient, sur dix ans, 590 millions d’euros, estimait, en 2016, Guillaume Lambert dans son étude de faisabilité. Aujourd'hui, l'Etat -qui ne versait pas d'argent pour l'investissement des Sdis- va participer à hauteur de 37 millions d'euros au développement de NexSIS.
Sur les 10 années à venir, les dépenses sont évaluées à 152 millions d'euros. Les Sdis auront donc 115 millions à prendre en charge, selon une clé de répartition qui n'est pas encore fixée.
Pour les plus petits départements, le préfet Guillaume Lambert, en rappelant qu'il avait été «à la tête des services de l'Etat du plus petit département du territoire métropolitain (la Lozère, NDLR)» assure que «c'est une prestation qui sera assumée complètement par l'agence.»
De quoi achever de convaincre les dernières réticents.

Texte : Matthieu Guyot de Saint Michel
Photos : Stéphane Gautier

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