A Montpellier, l’adrénaline dans les tuyaux

Opérationnel - Le 08 janvier 2019

[Magazine] Durant 24 heures, nous avons embarqué dans le VLSM – véhicule léger secours médical – de Montpellier (Hérault). À bord, deux sapeurs-pompiers, dont un médecin. En tête de pont de la médicalisation préhospitalière sur le tiers de cette agglomération de près de 500 000 habitants, elle réalise une dizaine de sorties par jour.Adrénaline assurée...

A Montpellier, l’adrénaline dans les tuyaux
A Montpellier, l’adrénaline dans les tuyaux

Bienvenue à la caserne Marx Dormoy. Le CSP Montaubérou qui y est implanté est l’un des deux qui défendent l’agglomération de Montpellier. À la garde, 28 SP pour une moyenne de 40 sorties par jour. Parmi eux, Erell Raynal, médecin commandant volontaire, et Loïc, dit « Tony », caporal volontaire, sont au « VLSM » pour « véhicule léger secours médical ». À peine le temps de faire les présentations… 8h55. Premier départ avec un VSAV. Direction Pérols. «Femme, 65 ans, douleur thoracique atypique». Après un périple du cortège dans le centre-ville historique, tortueux, nous atteignons l’adresse, située dans une zone pavillonnaire. La femme est dans un fauteuil. Bien consciente. Bilan, ECG normal, injection de paracétamol et de - morphine... L’examen ne montre rien d’inquiétant dans l’immédiat. Le VSAV assure le transport vers la clinique où elle est suivie pour une pathologie chronique. à notre retour, la garde termine sa séance de cross-fit. Les présentations peuvent reprendre. «Le contexte d’exercice ici est différent. Il permet d’enrichir et de diversifier ses compétences», témoigne Erell, la médecin, par ailleurs urgentiste au CH de Millau (Aveyron). « Tony » confirme : «Nous ne faisons pas que conduire ! Le VLSM est un piquet comme les autres. Mais nous devons connaître le matériel médical et savoir préparer les actes comme les injections, les perfusions ou l’intubation. Après chaque intervention, le médecin nous en apprend plus».

Réfléchir et engager d’abord, discuter après...

La plupart du temps, c’est le CTA qui décide d’ajouter le VLSM au VSAV lors de l’engagement des secours. «La médicalisation est intégrée dans le prompt secours et, le Samu, avec qui nous partageons la plate-forme commune départementale, est informé en temps réel», explique le capitaine Arnaud Venturi, « patron » du CSP et commandant de la compagnie du Lez. Un VLSM qu’il qualifie « d’historique », complété par deux VL infirmiers, la première à la caserne de la Paillade, autre CSP de Montpellier, la seconde au CS Palavas-les-Flots, pour couvrir le littoral en été. Fin de matinée. L’équipe de garde, la « B », se réunit. Ordre du jour : programmation des gardes du 24 et 31 décembre. Huis clos demandé... Le sujet sera vite résolu. Écoute, contraintes personnelles, historique des années passées et sens collectif ont fait leur œuvre... 11h32. Pendant ce temps-là, nouveau départ VLSM : scooter percuté par VL. Sur place, il s’avère qu’il a simplement fait une glissade. Choc à faible cinétique. Bilan : une fracture ouverte d’un doigt. Le chef d’agrès VSAV, pour faire son bilan, interrompt la victime dans sa conversation au téléphone avec un ami chirurgien- orthopédiste... Le VSAV le transporte au CH et le VLSM rentre « dispo ». 14h23. Nouvelle intervention, nouvelle douleur thoracique. Dans son appartement du centre-ville, une femme de 51 ans se plaint de douleurs. En fait, plutôt abdominales avec une gêne respiratoire. L’examen et l’ECG permettent de lever le doute. Le VSAV assure seul son transport vers une clinique. 15h44. Nouveau déclenchement. Direction Fabrègues, à l’ouest de la ville, dans un pavillon pour une femme de 73 ans inconsciente après une tentative de suicide par médicaments et phlébotomie. Le degré d’inconscience se montre à l’examen plus que superficiel lorsque la « doc » exerce la manœuvre de Pierre Marie et Foix : un appui intense avec un doigt de chaque côté, sur les bords postérieurs des branches montantes de la mâchoire. Quant à la phlébotomie, la goutte de sang s’avère avoir été prématurément intitulée hémorragie... par l’appelante, qui était la victime elle-même. Le cocktail alcool/médicaments absorbé et le bilan ne laissant rien soupçonner d’inquiétant, elle est transportée « non médicalisée ». La pause de soirée et le dîner sont calmes. Du moins pour le VLSM car la valse des trois VSAV qui sortent chacun à son tour continue. Ils totaliseront 39 sorties pendant la garde. Urgence ultime 22h02. Les équipes VSAV et VLSM roulent un peu plus vite que d’habitude : 46 ans, arrêt cardiaque sans précision. Direction Castelnau, commune limitrophe. En moins de 10 minutes, nous sommes sur place. La scène est sur voie publique. Deux policiers municipaux et deux médecins anesthésistes-réanimateurs qui passaient par là ont entrepris la RCP sur l’homme qui a été trouvé inanimé dans son véhicule, moteur tournant et portière ouverte. Les équipes prennent le relais. Les veines sont désespérément plates. Erell pose un cathéter intraosseux dans la tête de l’humérus pour faire passer la perfusion et l’adrénaline. En même temps, « Tony » prépare le plateau d’intubation. Les efforts se poursuivent, et le Smur se présente en renfort. Il n’y a pas eu de témoin : le quartier est peu fréquenté à cette heure. La consultation de l’heure du dernier appel sortant sur le portable de la victime ne donne pas d’indication pour estimer la durée écoulée avant les premiers gestes. Autant d’éléments qui laissent à penser que le no-flow a pu être important. L’asystolie persiste. Après une demi-heure d’effort, Erell décide d’interrompre la tentative de « réa ». C’est toujours dur, mais il faut s’y résoudre. Les équipes rentrent au CSP, indisponibles cette fois-ci au vu du matériel à reconditionner, après avoir refait le film de l’intervention, de qui a fait quoi, quand et comment. Nous étions bien dans la golden hour, mais plus dans « les dix minutes de platine ».

Toujours les urgences « cardio »...

23h59. VSAV et VLSM sont engagés pour une douleur thoracique à domicile chez un homme de 71 ans. Au pied de l’immeuble, luxueux, l’épouse attend les secours. Dans l’ascenseur, elle explique les antécédents : changement récent de valve aortique et de prothèse de l’aorte, et pontage coronarien... Un historique précis, que l’entourage des patients n’est pas toujours en capacité d’indiquer, témoigne Erell. La douleur s’estompe et l’ECG est rassurant. Après un second contrôle de l’électro « post brancardage », le VSAV transporte la victime à la clinique où le patient est suivi, talonné par le VLSM. Au CSP, à une heure du matin, la nuit fait valoir ses droits... jusqu’à 1h38. Le VLSM est alors demandé dans le secteur de La Grande Motte : homme de 65 ans, antécédents « cardio », arythmie avec douleur thoracique. Il est assis dans la cuisine, trop exiguë pour dispenser les soins. Les secours l’allongent dans le séjour. Bilan, perfusion... la récidive est confirmée. Après renforcement de son traitement, l’homme est transporté « médicalisé » à laclinique où il est suivi. La même que le patient précédent. L’occasion pour l’équipe de le croiser alors qu’il rentre chez lui, stabilisé et rassuré. Un happy end toujours bon à prendre. Ce sera la dernière sortie de cette « 24 ». Dans le VLSM qui rentre au CSP, le canal « Sdis 34 – OPE 03 » est, à cette heure, silencieux. Sur l’autoradio, France Bleu Hérault diffuse un tube des années 90 du groupe REM : Losing my religion. Et ici, la religion, c’est l’urgence. Mais personne n’est visiblement près de la perdre. 

Par Dominique Verlet
Photos Stéphane Gautier

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