Les secours d’urgence aux personnes en voie de mutation

Santé - Le 10 mai 2019

[Magazine] Les Sdis sont actuellement en pleine réflexion sur la modernisation de leurs pratiques dans le domaine du Suap. Les Assises nationales Santé, Secours et Territoires, qui se sont déroulées en mars dans la Creuse, en ont dressé des exemples, dans le contexte de services hospitaliers asphyxiés et d’une médecine libérale sous-dimensionnée

Les secours d’urgence aux personnes en voie de mutation

« Dans les Alpes-de-Haute-Provence, territoire qui compte 200 médecins au total, 128 d’entre eux ont 55 ans et plus », témoigne le Dr Frédéric Petitjean, médecin-chef du Sdis. Cette pénurie d’offre, qui se cumule avec l’augmentation des besoins médicaux de la population, fait peser sur les SP une charge de plus en plus lourde pour compenser les carences du système de santé. Ces derniers ne cessent donc d’adapter leur réponse opérationnelle et de développer de nouvelles compétences pour faire face à ces nouveaux défis. Résultat : les frontières d’hier dans les missions de Suap, à savoir la pratique de gestes secouristes telle que reconnue réglementairement par le Référentiel commun SIS - Samu de 2008, ne sont plus celles d’aujourd’hui en termes d’intervention et de compétences. Cinq exemples permettent d’illustrer cette nouvelle réponse graduée. Ils nécessitent parfois de sortir du cadre du Code de la santé publique et du Code général des collectivités territoriales, mais toujours en restant à la fois en accord avec les Agences régionales de santé et les Samu, et dans le cadre de projets de territoires ou de financements. « Car les pratiques précèdent toujours la réglementation, qu’il faut ensuite faire évoluer », rappelle le Dr Patrick Hertgen, vice-président de la FNSPF en charge du Suap.Ainsi, le Sdis 70 expérimente des VL secouristes à deux SP pour effectuer des missions de levée de doute, relevage et téléalarme après déclenchement du Samu. Le Sdis de l’Ardèche a mis au point un modèle de réponse infirmiers dans des zones blanches, inscrit dans le Schéma régional de santé. Celui de l’Ain cherche à adapter les personnels et véhicules aux missions, notamment en assurant la prise en charge des carences d’ambulances privées à deux SP. Le Sdis des Alpes-de-Haute-Provence a, quant à lui, développé un système de transfert de victime à la demande du Samu entre le VSAV et les ambulances privées, notamment pour les transferts vers un hôpital éloigné. Enfin, le Sdis de la Creuse a constaté que le réseau de proches et de parents de la victime qui se déplacent lors d’un déclenchement de téléassistance ne fonctionnait pas bien. Il lance une expérimentation pour ajouter dans la liste un SP, par exemple retraité. Et à défaut de réponse, la levée de doute se fera par un SPV déclenché seul. Le Sdis de la Creuse est en effet très fortement sollicité pour ce type d’interventions : les relevages représentent 10 % de l’ensemble des départs, et 94 % des sapeurs-pompiers sont SPV...

Télémédecine et déserts médicaux

Plusieurs Sdis mettent en place des expérimentations qui sont rendues possibles par les derniers progrès technologiques. On voit ainsi apparaître depuis ces dernières années des télétransmissions d’ECG, parfois réalisées par les SP eux-mêmes, comme en Corrèze ; des tablettes numériques dans les VSAV pour la transmission automatique des bilans ; des accès au dossier médical partagé, ou encore l’utilisation de PISU (Protocoles infirmiers de soins d’urgence) par voie de télémédecine et non plus seulement comme prescriptions anticipées. Certains Sdis poursuivent les expérimentations sur la mise en place de nouveaux gestes. Le Sdis 02 travaille avec le SSSM dans la prise en charge de la douleur, et utilise aujourd’hui du Penthrox, après avoir testé la morphine et l’hypnose. Le Sdis 67 expérimente depuis cinq ans les intubations par l’ensemble des ISP avec du matériel spécifique et adapté. « Aujourd’hui, les déserts médicaux sont partout, observe le colonel Marc Vermeulen, directeur du Sdis 95. Il y a parfois 12 heures d’attente aux urgences dans le Val-d’Oise. » Et la solution, parfois présentée comme miracle, de l’implantation de maisons de santé pose la question du transport des patients jusqu’à cette offre de soins. « Une mission qui pourrait retomber, au moins en partie, sur les Sdis », s’alarme le Dr Didier Pourret, médecin-chef du Sdis 01. Les sapeurs-pompiers seront-ils demain des techniciens du secours d’urgence aux personnes, ou aussi des assistants de la détresse sociale ? Par ces expérimentations, certains Sdis apportent déjà un début de réponse.

L’état des lieux et les propositions pour le secours d’urgence aux personnes ont été synthétisés dans « Le manifeste de La Souterraine », consultable sur pompiers.fr

Par Thomas Bex


Partager cet article :