Interview avec Pierre Niney, acteur principal du film «Sauver ou périr»

Institutionnel - Le 26 novembre 2018

[Magazine] Le 28 novembre, sortira en salles « Sauver ou périr », un long métrage qui raconte l’histoire de Franck Pasquier, chef d’agrès à la BSPP, victime d’un accident en service commandé en sauvant ses hommes des flammes. Il va devoir accepter d’être sauvé à son tour…

Sauver ou périr

À quelques semaines de la sortie très attendue du film Sauver ou Périr, l'équipe du magazine Sapeurs-pompiers de France - Le Mag a rencontré l'acteur Pierre Niney, qui réalise la performance de se glisser dans la peau d'un sapeur-pompier de Paris. Entretien.

SPF - le Mag : Cette histoire s’inspire de faits réels. Comment avez-vous préparé le film pour avoir un tel souci de réalisme ?
Pierre Niney : Le film est inspiré de plusieurs histoires vraies de sapeurs-pompiers, pas d’un parcours en particulier. Avant le tournage, j’ai passé plus de trois mois en immersion avec les pompiers de la BSPP pour m’entraîner avec eux, découvrir leur centre de formation à Villeneuve-Saint-Georges, partager la vie dans les casernes et partir en intervention à leurs côtés. Cela m’a permis de rencontrer de nombreux sapeurs-pompiers aux trajectoires différentes. Ainsi que des grands brûlés, anciennement pompiers de Paris, qui ont nourri le film et m’ont beaucoup inspiré pour le personnage.

Plus de trois mois en immersion : que vous a enseigné cet entraînement rigoureux ?
Je voulais jouer ce rôle et incarner ce personnage en étant à 200 % car c’est un film dans lequel il fallait se jeter corps et âme. C’est également ce que voulait le réalisateur, Frédéric Tellier. Au-delà de l’immersion et de l’entraînement intensif, j’ai passé du temps avec des coachs sportifs et des nutritionnistes. D’abord, pour prendre de la masse afin d’incarner au mieux le personnage dans la première partie du film. Puis, pour essayer de la perdre le plus vite possible dans la deuxième partie. C’était donc un vrai challenge physique, qui m’a énormément aidé à entrer dans le personnage et à mieux appréhender la rigueur que réclame ce métier. En règle générale, j’aime beaucoup commencer à travailler un rôle en le préparant physiquement, afin de trouver le corps du personnage.

Avez-vous été bizuté surl’épreuve de la planche ?
(Rires.) Le premier jour où j’ai mis les pieds dans la caserne de Boursault, dans le 17e arrondissement de Paris, les pompiers m’ont montré effectivement la planche, histoire de me tester de façon sympa et rigolote. J’avais la chance d’avoir un bon ratio poids/puissance puisque je suis assez léger à la base, donc j’ai réussi. Mais ce n’était pas la plus brillante de mes planches. C’était mieux ensuite, au bout de plusieurs mois. J’insiste sur le fait que les pompiers ont été très bienveillants envers le projet ; ils sentaient qu’on voulait raconter une histoire à leur honneur qui montre la force de ces jeunes gens porteurs de valeurs intemporels, humanistes, qui mettent leur devoir au-dessus de leur vie. C’est quelque chose de très particulier et de très beau.

Connaissiez-vous le monde des sapeurs-pompiers avant le tournage ?
Non, et j’ai découvert énormément de choses, tout un univers : la capacité d’aider les autres, l’esprit de corps, une idée très forte de famille et, aussi, l’ambiance particulière dans les casernes à Paris, là où certains pompiers sont logés et où l’on voit les enfants jouer dans la cour pendant que les papas partent sur intervention, comme à la caserne Rousseau par exemple, dans laquelle nous avons tourné. Tout cela, c’est ce qu’a essayé de dépeindre le réalisateur Frédéric Tellier dans son film, qui est un hommage non seulement aux sapeurs-pompiers mais à tous les «aidants» d’une façon générale, tous les héros du quotidien, qui viennent en aide aux accidentés de la vie.

L’accident, qui se produit alors que Franck est chef d’agrès au fourgon incendie en intervenant pour sauver deux de ses hommes, est filmé avec des flammes plus vraies que nature. Comment êtes-vous parvenus avec le réalisateur à faire naître cette impression, visiblement sans effets spéciaux ?
Oui, et Frédéric voulait filmer une scène très réaliste. On a donc passé beaucoup de temps avec des conseillers et des intervenants de la BSPP. Nous avions des maquettes pour reproduire, des mois avant le tournage, tout ce qu’il fallait faire pour que le résultat soit le plus authentique possible. Ce qui s’est traduit sur le plateau par le fait qu’il y avait effectivement peu d’effets spéciaux et beaucoup de flammes réelles, sous contrôle. C’était des conditions intenses parce qu’on a tourné cette séquence d’incendie durant quatre jours ! Du coup, il faisait extrêmement chaud. Cette honnêteté-là est très importante pour Frédéric Tellier et je crois que cela transparaît bien à l’écran.

«Tous sauveteurs et victimes potentiels»

On touche du doigt la nature même du héros, celui qui agit pour sauver une vie, au détriment de la sienne. Avec, ici, l’expression d’un dilemme, puisqu’il le fait en allant à l’encontre d’un ordre…
Oui. Des héros capables de mettre leurs missions, leur devoir au-dessus de leur propre vie, de façon instinctive. Cela peut paraître loin des valeurs qu’on côtoie tous les jours dans notre société. Il y a un côté absolu, qui est magnifique. Et Franck, il est vrai, le fait à l’encontre d’un ordre… C’est un moment de dilemme extrêmement fort qui va faire basculer sa vie.

On assiste ensuite à une descente aux abymes poignante. Franck se sent «foutu», selon ses propres mots, Cécile [son épouse dans le film, ndlr] ne se sent plus la force de l’aider. Où êtes-vous allé puiser une telle capacité d’interpréter ce «naufragé» ?
Ce qui m’a beaucoup aidé, c’est ma rencontre avec d’anciens grands brûlés notamment. Et les gens qui les ont accompagnés : des aides-soignants, mais aussi des ergothérapeutes, des «kinés», des infirmières, des infirmiers… cela m’a bouleversé ! Et j’ai pu ainsi nourrir le personnage, beaucoup. Donc c’est un mélange de préparation et de rencontre avec le personnage de ce «naufragé», comme Franck se qualifie à un moment du film. Rencontre mystérieuse et magique qui s’est faite pour moi sur ce film de façon très puissante !

A l’exemple de cette scène avec l’infirmière qui craque émotionnellement, beaucoup de moments sont éclatantsde vérité…
Merci beaucoup. Il s’agissait de scènes où nous étions les premiers surpris par l’émotion qui s’en dégageait. On portait tous cela en nous, tout le dévouement de ces vies et de ces gens qui se rencontrent et qui essayent de s’aider. Ce que je trouve magnifique dans le film, c’est l’idée qu’au-delà de la notion de «sauver ou périr», il est aussi question de comprendre qu’on peut être une victime. Nous sommes tous en même temps des sauveteurs et des victimes potentiels ! Cela rappelle à la fois la fragilité de la vie, et combien nous sommes forts quand on est dans l’empathie avec l’autre. Le film traite de cela de façon subtile, et j’en suis très fier.

Dans ce long chemin de souffrances, le face-à-face avec son ami pompier, puis celui avec son épouse, sont révélateurs : «J’ai besoin de ne pas sentir qu’on m’attend ni comme pompier ni comme brûlé», dit Franck. Ce qui peut être perçu comme le fait qu’il se bat contre lui-même?
Exactement, c’est ça, l’idée. Cela témoigne du combat intérieur qu’il  mène pour s’accepter et se comprendre. Et au-delà de ce malheur qui touche un pompier, la portée universelle du film implique un questionnement sur la façon de réapprendre à s’aimer soi-même après un accident ou après un changement d’identité. Un film, en somme, qui pose une question à laquelle chacun de nous se confronte : « Qui est-on profondément ? »

Avec, un jour,des séquelles qui peuvent repasser au second plan…
«Des séquelles, j’en aurai toujours trop», dit Franck. Le film montre bien qu’une fois qu’on a traversé une épreuve comme cela, on aura toujours trop de séquelles, physiques et mentales. Mais la force du mental humain et celle de l’amour prodigué par les aidants peuvent faire beaucoup. Quiconque est tombé un jour dans sa vie, d’une manière ou d’une autre, pourra se reconnaître dans ce film, qui dit qu’on peut rechercher du sens et retrouver l’envie de vivre et de se relever. C’est un hommage aux gens qui trouvent la force de se réinventer et à ceux qui accompagnent ces accidentés dans cette quête-là.

Maintenant que vous connaissez bien la communauté des sapeurs-pompiers, que l’engagement altruiste des sapeurs-pompiers volontaires au profit de la collectivité vous inspire-t-il ?
Je trouve cela magnifique. C’est un engagement tellement positif au profit de la société et la plupart du temps assumé en plus d’un travail ; cela mériterait d’être mieux connu aujourd’hui et davantage mis en valeur. J’étais vraiment heureux d’incarner un personnage – même si lui, le sergent Franck Pasquier, est un professionnel (militaire, ndlr), qui défend des valeurs tournées vers l’humain, l’empathie… en un mot : toujours tournées vers la vie

Propos recueillis par Hugues Demeude


Découvrez la bande annonce du film "Sauver ou Périr"


 

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